Luc Carvounas: « Le Sénat est la chambre la plus sérieuse »

Parlementaire pendant neuf ans, d’abord 6 ans au sénat puis 3 ans à l’Assemblée nationale, Luc Carvounas quittera l’hémicycle le 23 juin, « sans regret » ayant tranché en faveur du mandat de maire. Il revient sur ces années au parlement.

« Mon premier constat est que la chambre la plus sérieuse, la moins assujettie au temps médiatique, est le Sénat. La fonction de sénateur est de loin celle qui permet le plus d’équilibrer les institutions françaises. On l’a vu par exemple avec l’affaire Alexandre Benalla », insiste le député. Pour rappel du contexte de cette affaire, révélée à l’été 2018, le Sénat avait mené de nombreuses auditions dans le cadre d’une Commission parlementaire, contribuant à faire la transparence sur les agissements de l’ancien chargé de mission de l’Elysée et leur contexte).

« Il y a une forme de mépris du député vis-à-vis du sénateur »

« Il y a une forme de mépris du député vis à vis du sénateur car le député a toujours le denier mot. Il faudrait donner plus de poids politique au Sénat. Aujourd’hui, il y a 358 sénateurs tous capés, ayant eu pour la plupart des mandats locaux. A l’inverse, les néo-parlementaires de l’Assemblée nationale ne connaissent rien à la vie d’une ville ni d’une région. C’est compliqué pour fabriquer la loi », estime le député-maire.

Elu au Sénat lorsque celui-ci a basculé à gauche, fin 2011, Luc Carvounas, alors premier fédéral du PS Val-de-Marne, avait remplacé au pied levé celui qui devait mener la liste d’union de la gauche, Patrick Sève, à l’époque maire de L’Haÿ-les-Roses. Celui-ci venait d’être mis en examen (et condamné depuis) pour octroi d’avantages injustifiés et soustraction de fonds publics dans une enquête sur les marchés publics de sa ville. Cet automne 2011, la gauche val-de-marnaise avait raflé un quatrième siège au Sénat, contribuant à la bascule de la chambre haute, repassée à droite dès la fin 2014. Fin 2017, la droite val-de-marnaise a récupéré son 4ème fauteuil de sénateur.

« Parmi les souvenirs forts que je garderai du Sénat, il y a le droit de vote des étrangers aux élections locales. Je me souviens encore du discours d’Esther Benbassa, qui était alors sénatrice EELV dans le Val-de-Marne, à la tribune. Et puis il y a bien sûr le vote du mariage pour tous », enchaîne celui qui fut le premier parlementaire à se marier avec son compagnon.

« La Vème République confère des pouvoirs trop forts au président de la République et au gouvernement »

Entré au Sénat en 2011, l’ancien conseiller départemental continue de tracer sa route, élu maire d’Alfortville en mars 2012 à l’occasion d’un passage de témoin par le député-maire René Rouquet, avant de s’installer dans l’ancien fauteuil du député lors des législatives de 2017, cédant pour quelques années le fauteuil de maire à Michel Gerchinovitz, son premier adjoint.

A l’Assemblée nationale, le député n’aura connu que les bancs de l’opposition, un contexte moins conflictuel pour les élus socialistes que lors du mandat de François Hollande. « Je garderai le souvenir d’un groupe PS et apparenté uni et soudé, avec de jolis combats, comme notre premier contre-budget ou encore la bataille contre le glyphosate », se souvient le député. « Mais la Vème République confère des pouvoirs trop forts au président de la République et au gouvernement, qui ont encore été hystérisés sous cette mandature. Même les amendements de forme de l’opposition sont systématiquement rejetés. Le président a demandé l’unité nationale mais à peine quelques amendements ont été repris dans la loi d’état d’urgence sanitaire », estime l’élu.

« Je n’aurai aucun regret de quitter le parlement »

Élu officiellement maire de la ville par son Conseil municipal le 24 mai, Luc Carvounas devra quitter l’hémicycle un mois plus tard mais compte bien aller au terme de son mandat. « Je siégerai jusqu’au 23 juin mais n’aurai regret à quitter le parlement. Je suis heureux d’être à nouveau maire de la commune où je suis né. Nous avons apporté beaucoup de changement dans la ville et le soutien des électeurs dès le premier tour est une démonstration du travail accompli. »

PS : « la confiance se recréera dans le cadre d’une politique territoriale innovante »

Pour quelques jours encore à la tête de la dernière circonscription socialiste du Val-de-Marne qui en comptait quatre en 2012, le nouveau maire ne désespère pas de la survie du parti, cinquante après sa création et malgré les déconfitures électorales successives qui l’ont fragilisé. « Je pense que la confiance se recréera dans le cadre d’une politique territoriale innovante. Il y a un mois, j’ai par exemple lancé une coordination d’une trentaine de maires de gauche issus des huit départements d’Ile-de-France et de différentes sensibilités (socialistes, communistes, écologistes, divers gauche…) pour produire un livre blanc sur ma manière dont les élus ont géré la crise du coronavirus (coordomairesidf.fr) », illustre l’élu qui a déjà lancé la gauche arc-en-ciel fin 2018 pour tenter de rassembler toutes les nuances de gauche compatibles. « Cette élection municipale a réinstallé le clivage gauche droite. »

Législative partielle à l’automne

Suite à la vacance du poste de député, qui ne pourra être remplacé par sa suppléante Sarah Taillebois dont l’intégration à l’ENA (Ecole nationale de l’administration) est incompatible avec un mandat parlementaire, une élection législative partielle se tiendra à l’automne pour élire le ou la nouvelle députée de la neuvième circonscription du Val-de-Marne. D’ores et déjà, le député a désigné sa maire-adjointe Isabelle Santiago.