Loi séparatisme : la droite sénatoriale veut « aller plus loin »

Mis au vote ce mardi à l’Assemblée nationale, le projet de loi confortant le respect des principes républicains arrive sous peu au Sénat. Alors que Les Républicains entendent durcir le texte, la gauche redoute que les débats se transforment en tribune présidentielle pour le chef des LR, Bruno Retailleau.

« Séparatisme ». Le mot s’est installé de façon fulgurante dans le débat public et est à l’ordre du jour du Parlement. Mis au vote à l’Assemblée nationale ce mardi, le projet de loi contre les séparatismes – désormais intitulé loi confortant le respect des principes républicains – arrive le mois prochain au Sénat. La droite sénatoriale entend aller plus loin et la gauche craint une caricature de débat servant les visées présidentielles du chef de la majorité de droite, Bruno Retailleau.

« Je ne suis pas sûre que ce texte soit suffisant pour régler le vaste chantier qui est devant nous, sur la lutte contre l’islamisme », considère la co-rapporteure du projet loi, Jacqueline Eustache-Brinio. La sénatrice LR du Val-d’Oise, connue pour ses positions tranchées sur le sujet, l’annonce d’emblée : « Il faut s’attendre à ce que le Sénat pose d’autres objectifs que ce qui est dans la loi ». Pour la sénatrice qui juge que « des quartiers entiers sortent de la République », ce texte « ne va pas assez loin ».

Une ligne partagée par son collègue député Guillaume Peltier (LR) qui, dans la matinale de Public Sénat, indique son intention de voter contre le projet de loi du gouvernement comme « 90 % de son groupe ». Comme la présidente du Rassemblement national, ce dernier estime que la loi manque sa cible en refusant de « nommer l’ennemi ». « Quand j’entends Christophe Castaner (président du groupe LREM à l’Assemblée nationale) dire que Marine Le Pen est l’ennemie de la République… Ce sont les islamistes, les salafistes, ce sont ceux qui à Trappes s’en prennent à un professeur de la République », a-t-il affirmé.

« Le Sénat aura une vision pour essayer d’aller un peu plus loin »

Dominique Vérien, la co-rapporteure centriste du projet de loi adopte, elle, une position plus mesurée. « Le Sénat aura une vision pour essayer d’aller un peu plus loin, pas forcément beaucoup plus loin, parce que je pense que ce texte est bienvenu et nécessaire », affirme la sénatrice de l’Yonne (voir la vidéo-cidessus). A l’instar des Républicains, elle estime qu’il faut axer sur la laïcité, « notamment sur les personnels bénévoles qui ont une mission de service public comme les accompagnants scolaires ». Selon elle, « le Sénat osera faire des choses que l’Assemblée nationale n’a pas forcément osé faire ».

Dans une interview au Figaro, le sénateur LR Philippe Bas s’inscrit dans la même ligne. Pour le sénateur de la Manche, le problème de cette loi reste qu’elle ne nomme pas « la cible » : « L’islamisme, qui prétend imposer sa loi totalitaire par-dessus la loi de la République ». Philippe Bas aimerait voir inscrit dans la Constitution, le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa religion pour obtenir qu’il soit dérogé à la règle commune ». Il plaide pour que les sanctions prévues par la loi de 1905 soient renforcées.

« La droite sénatoriale va caricaturer »

Chez les sénateurs de gauche, l’arrivée du projet de loi laisse craindre la surenchère de la droite. « Monsieur Retailleau a déjà dégainé sur le sujet, je pense qu’on va avoir une caricature de ce texte. La droite sénatoriale va caricaturer, va l’aggraver potentiellement dans une perspective qui est aussi celle de la candidature de Monsieur Retailleau (pour la présidentielle de 2022) », prédit le chef du groupe socialiste au Sénat.

Dans l’émission Audition publique lundi, Patrick Kanner annonce déjà qu’il est « fort probable » que son groupe vote contre le projet de loi confortant les principes républicains, amendé par la majorité sénatoriale. Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale avait, lui, laissé entendre qu’il s’abstiendrait lors du vote.

La sénatrice écologiste, Esther Benbassa, redoute, elle aussi, l’œuvre de la majorité sénatoriale. « Je crains que l’on ne rende ce texte encore plus restrictif », affirme-t-elle. La sénatrice qui « ne croit pas que ce texte soit utile », redoute les effets pervers qu’il pourrait porter en stigmatisant les musulmans. Par ailleurs, si elle juge que des réformes sont nécessaires au sein du culte musulman, Esther Benbassa affirme « qu’on ne réforme jamais par le haut une religion, on ne peut réformer que par le bas en essayant de rassembler les différentes forces de l’islam ».

La commission des Lois a d’ores et déjà entamé une série d’auditions dans le cadre de l’examen de ce projet de loi qui devrait être débattu à la toute fin du mois mars.

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