Loi Pacte. Plaidoyer pour la maîtrise publique d’ADP

De gauche à droite, Esther Benbassa, Fabien Gay, Laura Raïm, journaliste, Boris Vallaud et Clémentine Autain. DR

De gauche à droite, Esther Benbassa, Fabien Gay, Laura Raïm, journaliste, Boris Vallaud et Clémentine Autain. DR
Mardi soir, à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), des parlementaires de tous bords ont martelé leur refus de la privatisation d’Aéroports de Paris, devant une salle comble. Un premier pas vers un référendum d’initiative partagée prometteur.

La grande salle de l’espace Jean-Ferrat de Tremblay-en-France est noire de monde. Preuve que la question de la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) a bel et bien fait irruption dans le débat public. À l’invitation de François Asensi, maire de cette commune de Seine-Saint-Denis sur le territoire de laquelle se trouvent le siège du groupe et un tiers des infrastructures de Roissy, députés et sénateurs sont venus défendre la maîtrise publique d’ADP, alors que la loi Pacte, votée le 11 avril dernier, consacre sa privatisation.

« C’est la logique du désengagement de l’État qui prédomine sans qu’aucune leçon de la privatisation des autoroutes n’ait été tirée », a lancé François Asensi en ouverture d’une soirée placée sous le signe de la combativité. Car le vote de la loi n’a pas fait taire les oppositions, loin de là. Une « coalition très large s’est fait jour, portée par 248 parlementaires de tous bords, un “arc républicain” pour exiger un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation d’ADP », a rappelé Fabien Gay. Un point central de la riposte, selon le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, qui estime qu’« il est impératif de sortir nos biens communs du secteur marchand ». La balle est désormais dans le camp des sages, qui devraient se prononcer aujourd’hui sur la validité du RIP. S’il est validé, « il nous faudra récolter 4,7 millions de signatures », note Boris Vallaud, député socialiste des Landes, à l’origine de l’initiative parlementaire. « Au moins 10 % du corps électoral, ce n’est pas rien, mais nous pouvons y arriver », a enchaîné l’élu.

Il faut dire que les arguments pour mener la campagne ne manquent pas. Aberration économique, sociale, stratégique et environnementale, « privatiser ADP, c’est aller à l’encontre du préambule de notre Constitution, qui stipule qu’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité », a fait valoir Clémentine Autain. Face à un gouvernement « qui cherche à tout prix du cash à court terme », la députée (FI) de Seine-Saint-Denis a insisté sur les conséquences pour les collectivités territoriales concernées. ADP est le plus gros propriétaire foncier au nord et au sud de Paris, l’offrir au privé, c’est verser dans « l’accaparement de 8 000 hectares de terres au cœur de tous les projets de développement du Grand Paris », a poursuivi Boris Vallaud.

Une opération de privatisation résumée à un simple cadeau à Vinci

Argument après argument, les élus ont soigneusement démonté la communication d’un gouvernement qui « réduit ADP à ses mètres carrés d’espace commercial, en oubliant totalement qu’il s’agit de la première frontière de France, d’une entreprise hautement stratégique », a relevé l’écologiste Esther Benbassa, sénatrice CRCE.

Une entreprise qui embauche des milliers de travailleurs de la région parisienne qui serviront de « variables d’ajustement, demain, à un actionnaire privé plus soucieux de rentabiliser sa plateforme que de dynamiser le territoire », a enchaîné François Pupponi, député (LT) du Val-d’Oise. Quant à la nécessité d’abonder un « fonds pour l’innovation de rupture » par laquelle le gouvernement justifie la privatisation, Fabien Gay a rappelé que l’enveloppe représenterait, in fine, 250 millions d’euros par an, soit l’équivalent des dividendes que verse aujourd’hui ADP, entreprise publique, à l’État. Un non-argument en somme, comme tous ceux qui entourent cette opération de privatisation que d’aucuns résument à un simple cadeau à Vinci, après concessions autoroutières et en compensation à l’abandon de Notre-Dame-des-Landes.

Marion d’Allard