Loi Asile et Immigration : Défense des amendements (20 juin 2018)

Défense de l’amendement 119 de l’article 4 additionnel

Monsieur lePrésident,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Le présent amendement  vise à modifier l’article L. 711-2 du CESEDA qui dispose que s’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe.

L’amendement que nous défendons vient préciser la liste des traits pouvant faire l’objet de persécution, en y ajoutant la question de l’identité de genre. En effet, nous  ne pouvons ignorer la question de la transidentité et les difficultés qui sont celles des personnes transgenres dans certains Etats qui mènent une politique de répression à leur égard. Nous ne pouvons non plus ignorer la difficulté qui est la leur au sein de nos Centres d’accueil et dans nos Centres de rétention administrative, où les personnes transgenres n’ont parfois pas accès à leurs médicaments lorsqu’ils sont en cours de transition, ou lorsqu’ils se font mégenrer dans le traitement de leurs dossiers.

Alors que la question du genre n’est évoquée ni dans le droit international (notamment dans la Convention de Genève), ni dans le droit européen, dans la directive 2011/95/UE traitant des conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou apatrides pour bénéficier de la protection internationale ou subsidiaire, la France peut être précurseure en matière d’accueil des personnes transgenres. Saisissons l’opportunité d’avoir un droit d’asile progressiste.

Je vous remercie.

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Défense de l’amendement 39 rectifié de l’article 5 bis sur la procédure accélérée

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Le présent amendement prévoit la suppression et le remplacement des alinéas 7 à 9 de l’article 5 du projet de loi qui fait aujourd’hui l’objet de notre débat.

Ces alinéas 7 à 9 prévoient dix nouveaux cas où la procédure accélérée serait prévue dans le traitement des dossiers. Mes chers collègues, vous le savez, la procédure accélérée ouvre des possibilités moindres pour le requérant de monter un dossier lui permettant d’obtenir un titre de séjour. Les auteurs de cet amendement estiment ainsi qu’au regard des garanties réduites offertes par cette procédure, celle-ci doit rester exceptionnelle.

La question de l’attribution du droit d’asile ou d’un autre titre de séjour est une question sérieuse qui nécessite un examen minutieux des dossiers qui sont déposés à l’OFPRA. La procédure accélérée, car elle est moins protectrice, ne peut être systématisée et devenir la norme.

Les auteurs de cet amendement demandent ainsi à ce que la procédure accélérée soit limitée aux seuls cas de fraude sur l’identité, de demandes manifestement infondées telles que définies par le Comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés et aux demandes d’asile en rétention.

Cette limitation devrait permettre à ce que  la procédure normale ne relève désormais du domaine de la justice d’exception.

Je vous remercie.

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Défense de l’amendement 120 rectifié de l’article 5 sur les droits des associations de défense des personnes homosexuelles et transgenres 

Monsieur le Président,

Madame la ministre,

Mes chers collègues,

L’article L. 722-1 du CESEDA permet aux associations de défense des droits de l’humain, de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, de défense des droits des femmes ou de défense des droits des enfants de saisir le conseil d’administration de l’OFPRA d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État de la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûre.

Complété en Commission des lois par un amendement de nos collègues socialistes, le texte prévoit désormais d’accorder ce droit aux associations de défense des personnes homosexuelles et transgenres. Ces amendements ont été déposés et fort heureusement adoptés par la Commission des Lois, en cohérence avec la protection accordée aux personnes persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.

Nous estimons cependant que ces avancées ne sont pas satisfaisantes en l’état et souhaitons remplacer la mention « personnes homosexuelles et transgenres » par « personnes LGBTI » afin que les bisexuel.les et intersexes soient protégés au même titre.

Le cas des personnes bisexuelles est par ailleurs particulièrement préoccupant, comme nous l’ont d’ailleurs confié les associations de défense des droits LGBTI que nous avons auditionné ces dernières semaines, les bisexuel.les se voyant souvent refuser une demande de séjour au titre des persécutions subies de par leur orientation sexuelle, car ils auraient eu des compagnons et aussi des compagnes du sexe opposé par le passé. Le terme LGBTI permettrait d’offrir une protection plus effective et inclusive à ces requérants qui subissent de nombreuses violences et persécutions dans leurs pays d’origine.

Je vous remercie.

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Prise de parole et défense de l’amendement 8 de l’article 6 bis A pour demander sa suppression

Monsieur lePrésident,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

L’article 6 bis A est une innovation de notre commission des lois qui vise à prévoir que toute décision définitive de rejet d’une demande d’asile de l’OFPRA, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, vaut obligation de quitter le territoire français.

L’argument qui préside à l’introduction de cette disposition est simple : nombre de demandeurs d’asile se voient déboutés de leur demande, la proportion de ces derniers qui se voient effectivement reconduits à la frontière est trop faible.

Certains vont d’ailleurs plus loin et considèrent que tous les déboutés étaient en fait des usurpateurs, n’utilisant le droit fondamental qu’est celui de demander l’asile que pour avoir temporairement un statut légal sur notre territoire tout en sachant qu’une fois déboutés, ils ne seraient pas expulsés. Le problème du « benchmarking » sans doute…

J’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, ni l’allongement de la durée de rétention, ni la délivrance automatique d’OQTF ne seront efficaces pour augmenter significativement comme certains le souhaitent, le nombre des reconduites à la frontières.

Cette mesure par contre, dont je défendrai plus tard la suppression, affaiblira un peu plus les droits des exilés dont on peut penser qu’au rythme où vont les choses, il ne restera plus grand-chose dans quelques années.

On aura beau s’offusquer de la montée de l’extrême droite chez nos voisins européens, dénoncer avec emphase le refus de l’Italie d’accueillir l’Aquarius dans ses ports, que faisons-nous ici de vraiment différent ?

Nous adoptons, loi après loi, des dispositions toujours plus attentatoires aux droits fondamentaux, faisant croire à nos concitoyens que la fermeté en la matière réglera la crise migratoire.

Tout ceci, mes chèrEs collègues, est indigne.

Je vous remercie.

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Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

L’introduction du présent article 6 Bis A,  ajouté par la Commission des Lois est, je dois le dire, paradoxale et incohérente. Alors que le rapporteur, Monsieur Buffet, a décidé judicieusement de rétablir le délai de 30 jours, afin qu’un demandeur puisse formuler un appel devant la CNDA après avoir été débouté par l’OFPRA, il est décidé de manière totalement contradictoire de durcir le régime des OQTF. Avec le présent article, tout débouté par l’OFPRA et le cas échéant par la CNDA, se verra signifier une obligation de quitter le territoire.

Ce renforcement du régime de l’éloignement nie le droit en vigueur mais également la jurisprudence de la CNDA.

Car le droit permet aux déboutés de l’OFPRA et de la CNDA de formuler un réexamen de leur dossier s’ils sont en mesure d’y apporter des éléments nouveaux. Plus significatif encore, la jurisprudence de la CNDA montre que certains demandeurs d’asile ont raison de persévérer à prouver le bien fondé de leur requête et que l’attribution de statuts protecteurs ou de protection subsidiaire ne sont pas rares.

Ne vous y trompez pas, mes chers collègues : si un demandeur d’asile persiste à vouloir faire reconnaître les  persécutions subies, c’est que la menace qui pèse sur lui est durable et prégnante.

Ainsi, les auteurs du présent amendement demandent la suppression de cet article.

Je vous remercie.

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Défense de l’amendement 121 de l’article 7 bis (supprimé)

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Vous ne pouvez que le constater, ce projet de loi est totalement déséquilibré.

Les bonnes nouvelles étaient si rares dans le texte transmis au Sénat, qu’il est navrant de constater que non seulement la Commission des Lois a fait le choix  de durcir ledit texte, mais elle a également choisi d’en supprimer les quelques avancées qui avaient été acquises en première lecture à l’Assemblée Nationale.

C’est le cas notamment du présent article 7 bis, qui proposait la suppression d’une disposition de  la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018. Cette loi Warsmann, contre laquelle notre groupe s’est battu il y a quelques mois, mettait à 7 jours le délai de contestation devant le juge administratif d’une décision de transfert vers un autre Etat membre de l’Union européenne d’un étranger faisant l’objet d’une procédure « Dublin ».

Le présent article proposait d’augmenter ledit délai pour formuler sa contestation et de le rétablir à 15 jours, soit le délai qui était appliqué antérieurement à la loi du 20 mars 2018.

Sans être révolutionnaire, cet article allait dans le bon sens. Nous demandons donc à ce qu’il soit  réintroduit dans le PJL sous sa forme initiale.

Je vous remercie.

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Défense de l’amendement 9 de l’article 8 pour demander sa suppression

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Par une décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a décrété que « le respect du droit d’asile, principe à valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ».

Il va sans dire que le présent article 8, qui supprime le caractère suspensif du recours devant la CNDA des décisions prises par l’OFPRA, en procédure accélérée pour les demandeurs ressortissants de « pays d’origine sûrs » et de ceux présentant une menace grave pour l’ordre public, est une atteinte sérieuse tant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu’à l’article 13 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui garantit le droit effectif au recours.

L’objectif inique du présent article est de rendre plus facile et surtout plus rapide l’expulsion des demandeurs d’asile concernés. Cette disposition porterait ainsi atteinte au principe d’égalité de traitement des recours et au droit à un recours effectif des demandeurs d’asile, dans la mesure où elle permettrait leur expulsion alors même que leur recours serait toujours pendant devant la CNDA.

Car cet article est anticonstitutionnel  car il ne respecte pas nos engagements internationaux et car il est injuste pour les demandeurs d’asile, les auteurs du présent amendement en demandent la suppression.

Je vous remercie.

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Prise de parole sur l’article 9

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers collègues,

Le présent article 9 avait attrait à une question primordiale, traitant des questions d’hébergement.

Car en effet, cet enjeu est celui de l’accueil inconditionnel : les exilés sont des personnes démunies, vulnérables et dans le besoin. Ils ont besoin, préalablement à ce qu’on leurs demande leurs papiers et qu’on vérifie leurs droits, à un toit au-dessus de leurs têtes, pour ensuite pouvoir engager sereinement les démarches nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour.

Pourtant, les mesures présentes dans l’article 9 du PJL ne sont pas satisfaisantes. Il rend en effet plus coercitif et directif les dispositifs relatifs à l’hébergement prévus par le CESEDA : le demandeur d’asile y est orienté vers une région précise, où il sera obligé de résider. Rien n’est prévu pour les requérants qui souhaitent être hébergés dans leur famille ou chez un tiers.

Plus grave encore, cette fois sur le plan éthique : par cet article, entrerait dans le champ législatif l’inique circulaire Collomb du 12 décembre 2017. Rappelons que celle-ci prévoyait l’échange d’informations entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), afin de permettre la création d’un fichier recensant la situation administrative des exilés hébergés afin de déceler ceux qui ne devraient plus bénéficier du droit à l’hébergement.

De manière évidente, cet article contrevient au droit inconditionnel à l’accueil et au maintien en hébergement d’urgence des exilés en détresse.

Je vous remercie.