La chambre majoritairement à droite a amendé le texte, refusant d’allonger les Micas, ces mesures administratives de surveillance. Le PS va saisir le Conseil constitutionnel.
Au terme d’une soirée de débats, au lieu de trois, le Sénat a adopté dans la nuit de mardi à mercredi, en première lecture, le projet de loi renforçant les mesures « antiterroristes » et le renseignement, présenté comme « indispensable » par le gouvernement. 251 sénateurs se sont prononcés pour, 27 ont voté contré et 66 se sont abstenus.
Le gouvernement devait mettre à jour la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme, la loi Silt, adoptée en 2017 et qui pérennisait déjà des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge, l’Hyper Casher, puis du 13 novembre. Le texte était dans les cartons depuis plus d’un an, il a été annoncé en conseil des ministres en avril, dans la foulée de l’attentat contre une fonctionnaire de police à Rambouillet (Yvelines).
Périmètres de sécurité, fermeture de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et visites domiciliaires : ces quatre dispositions de police administrative ont rencontré l’opposition des groupes CRCE à majorité communiste et écologiste qui ont tenté deux motions de rejet en bloc. Esther Benbassa (écologiste) a fustigé des dispositions « liberticides », Éliane Assassi (CRCE) une « surenchère sécuritaire », dans la foulée d’Amnesty international, très inquiète que certaines dispositions soient gravées dans le marbre législatif.
Surveillance des sortants de prison
La majorité sénatoriale de droite s’est montrée globalement satisfaite, le rapporteur du Sénat Marc-Philippe Daubresse (LR), a toutefois regretté une perte de temps puis le texte avait déjà été voté en octobre par la chambre haute. Mais le gouvernement avait alors souhaité s’en tenir à une prolongation d’une année. Le PS, qui souhaitait que les mesures Silt « restent provisoires », a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel.
C’est justement parce qu’ils craignent que le Conseil constitutionnel ne s’y oppose que les sénateurs ont refusé l’allongement à deux ans de la durée des Micas pour les personnes condamnées pour « terrorisme » sortant de prison. Actuellement, les « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance », qui consistent pour l’essentiel en des assignations à résidence, permettent d’éviter la « sortie sèche » des personnes condamnées à de la prison qui arrivent au terme de leur peine.
Les sénateurs ont opté, contre l’avis du gouvernement, pour « une mesure judiciaire à visée non pas seulement de réadaptation sociale, mais également de surveillance de l’individu ». En juillet dernier, le Parlement avait adopté une loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine », mais elle avait justement été retoquée par le Conseil constitutionnel.
Accès aux archives à des fins d’études et de recherches
Le projet de loi contient un volet renseignement, et le Sénat a voté la pérennisation de la technique dite de l’algorithme qui permet d’analyser des données de navigation sur Internet fournies par les opérateurs télécoms. Mais pour son extension aux URL de connexion, il a préféré se limiter à une expérimentation. L’outil qui permet d’intercepter les données est validé, son exploitation pas encore. Et les services disposeront d’un régime particulier de conservation des renseignements pour améliorer les outils d’intelligence artificielle.
Finalement, les interventions les plus électriques sont intervenues lors du débat sur l’accès aux archives à des fins d’études et de recherches. Le texte propose en outre de libéraliser l’accès à certains documents, mais introduit en contrepartie, pour les plus sensibles, des exceptions au délai de 50 ans prévu pour la déclassification. Relayant les inquiétudes d’historiens, des sénateurs de différents bords sont montés au créneau contre cet article, à l’instar de la centriste Catherine Morin-Desailly qui a dénoncé « un recul historique dans le principe de libre communicabilité des archives ».
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