L’intervention d’Esther Benbassa sur le projet de loi Enseignement supérieur et recherche (19 juin 2013)

Discussion générale

Mercredi 19 juin 2013

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes ChèrEs collègues,

Le projet de loi que nous examinons comporte des avancées, retour à la collégialité et à la démocratie dans les universités, parité dans les conseils, limitation du pouvoir des présidents. Il est pourtant loin de répondre aux attentes des premiers concernés : étudiants, enseignants, chercheurs.

Il ne s’attaque pas à la précarité ni ne revoit en profondeur les conditions d’études. Il contribue à renforcer certains effets négatifs des réformes du gouvernement précédent. Si la loi LRU votée en 2007 avait entériné le principe d’autonomie des universités après maintes polémiques et oppositions, ce PJL, sans remettre en question ce principe, nous fait simplement revenir à l’ère de l’Etat stratège.

L’Université se meurt, et nous sommes en train de débattre de sa gouvernance. La recherche en sciences humaines et sociales et la recherche fondamentale s’essoufflent, et nous nous demandons comment les mettre au service de la compétitivité. Comment former des têtes bien faites plutôt que bien pleines, davantage adaptables au monde du travail pour ceux qui le choisiraient et à la reconversion, pendant que la recherche fondamentale servirait à l’émancipation de la société ? Voilà la vraie question. Nous l’esquivons.

Améliorons l’accueil de nos étudiants, logeons-les, créons dans les établissements des pôles d’orientation en phase avec les entreprises et des services publics pour leur fournir du travail. Réformons les modalités de recrutement à l’Université en combattant le clientélisme et le localisme. Cessons d’importer des PRAG du secondaire pour pallier le manque d’enseignants-chercheurs de plein droit. Créons des agences pour aider les chercheurs à répondre aux appels d’offres européens et à les gérer sans épuiser leur énergie dans l’élaboration de lourds dossiers. Revoyons de fond en comble la composition et le fonctionnement de l’ancienne AERES, qui infantilise les chercheurs. Mettons fin au clientélisme qui a pesé sur l’attribution des fonds pour la recherche par l’ANR, qui a inhibé toute créativité et induit des dysfonctionnements dans leur utilisation.

Madame la Ministre, chers collègues, l’Université est un outil irremplaçable de formation et de recherche. Faisons-en un élément-clé de la fameuse « exception culturelle » française au lieu de la laisser ainsi à l’agonie.

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