L’intervention d’Esther Benbassa sur la proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus (13 juin 2013)

crédit photo: ladepeche.fr

Proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus

Discussion générale

Jeudi 13 juin 2013

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chèr-E-s collègues,

 

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus.

75 ans si l’un des amendements du rapporteur est adopté.

A première vue, l’objectif semble utile, puisque l’adoption de ce texte permettrait, selon nos collègues de l’UDI-UC, « de contribuer à l’abaissement de la mortalité routière ».

La mortalité sur les routes reste un fléau dans notre pays et toute mesure permettant d’éviter des accidents et des morts inutiles doit être votée sans considération partisane.

Chacun a un parent, un grand parent, un oncle ou une tante qui continue de conduire alors qu’il est avec le temps devenu « un véritable danger public ».

Ni les émotions ni les images sensationnelles des accidents commis par des personnes âgées ne doivent pas guider le législateur. La gauche, pendant la précédente mandature s’est fréquemment élevée contre le mécanisme consistant à élaborer une loi à chaque fait-divers, aussi terrible soit-il.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas anodine et doit être envisagée sous tous ses aspects.

On ne peut le nier, certaines personnes continuent de conduire alors qu’elles devraient s’arrêter, parce que leur vue et leur ouïe baissent, parce que leurs réflexes diminuent.

Mais si elles continuent à conduire c’est bien souvent par nécessité. La voiture reste, en dehors des grandes villes, un moyen indispensable pour aller faire ses courses, se rendre chez le médecin ou tout simplement avoir une vie sociale.

Imposer un contrôle médical aux conducteurs vieillissants, pourquoi pas. Mais cela n’a pas de sens s’ils ne sont pas pris en charge dans leurs déplacements quotidiens.

On le sait, la population française vieillit. Cela rend la question de l’autonomie et de la mobilité capitale dans une société qui manque cruellement d’infrastructures pour accueillir les plus âgés.

De surcroît, rien ne permet de dire, aujourd’hui, que les conducteurs âgés de plus de 70 ans seraient à l’origine de plus d’accidents que les autres.

Au contraire, les seniors n’ont pas tendance à conduire ivres ou sous l’emprise de drogues et nombreux sont ceux qui, se sentant moins capables, modifient leurs habitudes, arrêtent de conduire la nuit ou de prendre l’autoroute.

Les accidents graves impliquant des personnes âgées ne sont pas toujours liés l’âge du conducteur.

Comme le relèvent les députés Armand Jung et Philippe Houillon dans un rapport d’information remis en 2012, « ce n’est pas un quelconque malaise du conducteur octogénaire qui est à l’origine du drame de Loriol qui a coûté la vie, le 29 novembre 2002, à cinq pompiers drômois, mais le très grand excès de vitesse dont il s’est rendu coupable au volant d’un véhicule très puissant, aux abords d’un accident signalé ».

La question de l’aptitude à conduire est légitime mais elle doit se poser à tous et à tous âges et il semble au groupe écologiste que la sanction et la stigmatisation du vieillissement ne peuvent être des solutions.

Nous considérons que c’est l’entourage et surtout le médecin traitant qui sont les plus à même d’alerter une personne sur la diminution de ses capacités.

Le texte que nous examinons propose que ce soit un médecin agréé de la Préfecture qui rédige le certificat médical d’aptitude. Mais celui-ci n’est pas forcément le mieux situé pour évaluer la capacité à conduire, n’ayant jamais rencontré la personne auparavant.

De surcroît, tout le monde n’habite pas dans une ville où se trouve une Préfecture et dans bien des territoires, il faudra s’y rendre en voiture.

Le groupe écologiste a donc déposé un amendement demandant que, si le texte devait être adopté, ce soit le médecin traitant qui se charge de déterminer l’aptitude à conduire.

Parallèlement et parce que nous croyons que c’est la prévention qui peut durablement changer les comportements, nous avons déposé un amendement demandant que des campagnes de sensibilisation aux risques routiers liés au vieillissement soient menées divers canaux.

Si cette proposition de loi a le mérite de susciter un débat de société et une réflexion salutaires, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et notamment pour ne pas inscrire dans la loi une discrimination liée à l’âge, le groupe écologiste ne votera pas cette proposition de loi.

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