L’interminable débat français sur les « statistiques ethniques » (Le Monde, 22 septembre 2015)

 » Proposition sincère, ou manière de se faire un peu plus entendre dans la course à la primaire qui s’engage au sein des Républicains ? Toujours est-il que François Fillon s’est fait, dans un entretien au Journal du Dimanche, le champion de la mise en place, en France, de statistiques ethniques – un « tabou » qu’il faut selon lui« faire sauter ». […]

1. Une proposition devenue plus consensuelle

M. Fillon n’est pas le premier à se dire favorable à de telles statistiques. L’ex-politologue Dominique Reynié, désormais candidat des Républicains aux régionales, s’était aussi prononcé pour en mai, de même que l’ancien ministre dulogement Benoist Apparu, proche d’Alain Juppé, qui souhaitait dès janvier s’en prendre à ce « tabou ». Eric Ciotti est également favorable à de telles statistiques.

Même Nicolas Sarkozy a évoqué la question, assurant, en marge d’une visite à l’Institut Necker sur les maladies rares en février : « Qu’on sache d’où sont les Français, aujourd’hui, cela ne change rien à la réalité de leur vie et c’est une information utile. »

Au-delà des Républicains, un rapport rendu en novembre 2014 par la sénatrice écologiste Esther Benbassa et le sénateur Jean-René Lecerf (alors UMP, devenuLes Républicains depuis) préconisait lui aussi la mise en place de ce type de statistiques. Précisément, ils souhaitaient la présence, « une fois tous les cinq ans, dans le recensement, d’une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure afin d’obtenir des résultats mesurables sur l’ampleur des discriminations et leur déploiement ».

A l’heure actuelle, on demande lors du recensement le lieu de naissance, la nationalité, le lieu de résidence cinq ans auparavant, trois questions qui permettent déjà d’établir des statistiques sur l’immigration.

Il est à cet égard intéressant de noter la réaction de Marine Le Pen à la proposition de M. Fillon. La présidente du FN a expliqué : « Je n’ai pas envie que soient mis dans le même sac des Français d’Outre-mer par exemple, nos compatriotes, et des gens qui sont sur le territoire et qui viennent de pays étrangers, des Maliens ou autres. Je crois que ce n’est pas sain. » En clair, pour elle, le débat sur « l’ethnie » ne doit pas primer sur la question de la nationalité d’origine.

2. Origine et non ethnie

Le terme même de « statistiques ethniques » est ici quelque peu galvaudé : ni M. Fillon ni les sénateurs Lecerf et Benbassa ne souhaitent en réalité connaîtrel’ethnie des Français. Ils évoquent, en réalité, la tenue de statistiques sur l’origine géographique des populations.

La loi française interdit, en effet, de considérer les citoyens en fonction de critères comme la couleur de la peau, la religion ou « l’ethnie », terme qui fait déjà en lui-même débat. La société française n’a jamais, contrairement à d’autres, notamment dans le monde anglo-saxon, fait de l’ethnie un critère objectif : aux Etats-Unis, lors du recensement décennal, on demande aux interrogés de se définir parmi divers « types » ethniques : « Indien d’Amérique », « Asiatique », « Noir ou Africain-Américain », « Hawaïen », « Hispanique », « Blanc ou Caucasien », etc.

On trouve peu de partisans de ce type de statistiques en France, qui sont d’ailleurs à l’heure actuelle interdites par la loi, même si quelques chercheurs obtiennent des dérogations pour étudier certains phénomènes. En revanche, nombre d’entre eux déplorent la faiblesse des études statistiques sur l’origine des personnes ou leur religion, qui permettraient d’étudier certains phénomènes, notamment les discriminations. […] »

 

Pour (re)lire l’article du Monde dans son intégralité, cliquez ici !