L’exécutif prend son temps sur la PMA, les écologistes craignent son enterrement (Public Sénat, 4 février 2012)

La procréation médicalement assistée sera examinée «avant la fin de l’année», mais après consultation du conseil d’éthique, a assuré Jean-Marc Ayrault, après une certaines confusion ce week-end. La sénatrice EELV Esther Benbassa craint qu’ «on renvoie aux calendes grecques la PMA».

Par le vote de l’article 1 ouvrant le mariage entre personnes de même sexe, l’exécutif aurait pu profiter des bénéfices politiques d’un long week-end d’examen du projet de loi sur le mariage pour tous à l’Assemblée nationale. Mais les déclarations contradictoires sur la procréation médicalement assistée (PMA) ont brouillé le message, une nouvelle fois, après la circulaire sur la gestation pour autrui.

PMA repoussée ou enterrée ?

En séance, la ministre de la Famille Dominique Bertinotti a d’abord assuré que « la PMA viendra dans un texte sur la famille présenté avant la fin de l’année 2013 ». Premier changement : le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, avait d’abord annoncé sur Public Sénat que le texte famille, au sein duquel serait incluse la question de la PMA pour les couples de lesbiennes, serait présenté en conseil des ministres le 27 mars. Après les déclarations de Dominique Bertinotti, Jean-Marc Ayrault a recadré sa ministre : «Je crois qu’elle ne peut pas dire ça dans la mesure où elle ne connaît pas la date de réponse du Comité national d’éthique (saisi par le gouvernement, ndlr). Donc si c’est fait avant, oui, mais si ce n’est pas le cas, il faudra attendre», a-t-il déclaré à BFM TV et i>télé. Lundi matin, il a finalement affirmé que la PMA serait examinée « avant la fin de l’année », soulignant que le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) devrait délibérer à l’automne.

Les alliés écologistes, qui souhaitent voir la PMA adoptée avec le mariage pour tous, s’inquiètent. Certains pensent que le CCNE donnera un avis négatif. « J’avais dit dès le début que ce n’était pas possible de faire la loi sur la famille en trois mois », lance Esther Benbassa, sénatrice Europe Ecologie-Les Verts, interrogée par Public Sénat. « J’espère qu’on ne va pas renvoyer aux calendes grecques la PMA et qu’elle ne resurgira plus jamais », affirme la sénatrice du Val-de-Marne. Elle ajoute : « Ça m’étonnerait que politiquement le gouvernement se lance dans 10 ou 11 mois dans un nouveau débat, une nouvelle polémique. Je suis assez septique. La PMA aurait dû être incluse dans cette loi. Mais soyons optimiste ! » Craint-elle que la PMA soit enterrée ? « Il me semble, oui. Pour le moment, oui ».

« Tango » de Hollande et Ayrault

Le président de l’UMP, Jean-François Copé, a voulu voir dans les déclarations de Jean-Marc Ayrault un signe d’écoute de l’UMP. Au Sénat, où les auditions sur le mariage commencent en commission ce mardi, on se pose des questions et on ironise. « Jean-Marc Ayrault a botté en touche avec le comité d’éthique. Il y a beaucoup d’ambigüité sur beaucoup de choses. Il y a une complicité entre le Président et son premier ministre pour faire un tango », raille le sénateur UMP Philippe Dominati. « Je ne sais pas qui gouverne et qui conduit ce dossier au gouvernement. Entre les déclarations de la garde des Sceaux, de la ministre de la Famille, du premier ministre et du premier secrétaire du PS, c’est quand même un peu surprenant », note Catherine Proccacia, qui pense que la PMA n’est que « repoussée ».

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement semble jouer la montre sur la PMA.  Il faut dire que la question divise jusqu’au PS. La PMA, « ce n’est pas le moment », a réagi le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. A l’inverse, le rapporteur du texte Erwann Binet s’étonne vivement : « Soumettre a priori la décision du parlement à un avis inconnu du CCNE est un déni de démocratie ». Bruno le Roux, président du groupe PS, a prévenu : « Le groupe prendra ses responsabilités ». François Hollande n’avait-il pas dit que ce serait au Parlement de trancher sur la PMA ? « Si j’avais été favorable (à cette mesure), je l’aurais intégrée dans le projet de loi », avait-il expliqué en décembre…

Le groupe PS du Sénat ne serait « pas très favorable » à la PMA

Au groupe PS du Sénat, ce n’est pas la même musique qu’à l’Assemblée. « Spontanément, je ne sens pas que le groupe serait très favorable» à la PMA, a lâché lors de ses vœux François Rebsamen, président du groupe PS de la Haute assemblée. Il souhaite aussi la consultation du comité d’éthique.

Au Sénat, le rapporteur PS du texte sur le mariage, Jean-Pierre Michel, est personnellement favorable à la PMA, comme à la GPA pour tous les couples, comme il l’a expliqué à publicsenat.fr. Mais en tant que rapporteur, il s’opposera à tout amendement PMA sur le mariage. Et fait attention à son discours, après ses déclarations favorable à la « GPA pour tous les couples » : « Il faut envisager toutes les formes de parentalité, c’est vrai. Il y a une évolution médicale à prendre en compte. Mais autant la PMA que la GPA posent des problèmes. La PMA est aujourd’hui permise pour raisons médicales. Là, ce serait pour des raisons sociales. (…) Je comprends très bien que sur ces questions là, on consulte le CCNE », affirme Jean-Pierre Michel. Le texte famille repoussé à l’automne, « ça ne me gêne pas si ça doit se faire plus calmement », dit-il. « C’est une question qui doit être abordée sereinement et dans un texte de loi. (…) Qu’on prenne un peu de temps, le temps des vacances, ça ne me gêne pas ». Pour Jean-Pierre Michel, la PMA doit se faire, mais « dans les meilleures conditions ».

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