L’état d’urgence sanitaire pourrait durer encore un an
Le gouvernement prévoit de prolonger ce régime d’exception jusqu’au 1er juin 2021, mais aussi d’instaurer un régime dit transitoire jusqu’au 31 décembre 2021.
C’est un classique du genre depuis le premier confinement. Le gouvernement jure de lever l’état d’urgence sanitaire d’ici quelques mois, avant de rétropédaler. Le ministre de la Santé Olivier Véran envisagerait, selon les informations de Libération, une prorogation de ce régime d’exception jusqu’au 1er juin 2021, lequel devait durer en principe jusqu’au 16 février 2021 (après avoir déjà été prolongé en 2020). Comme il l’a souvent répété, l’exécutif estime qu’il est impossible de maîtriser la circulation du virus, en proie à une hausse des contaminations dans certains territoires, sans être doté de pouvoir exceptionnels.
Mais cet argument ne convainc pas les élus progressistes. « La stratégie du gouvernement vire au fiasco sur les vaccins, comme ce fut le cas pour les masques et les tests. Alors, je pose la question suivante : pourquoi faudrait-il repousser la sortie de l’état d’urgence sanitaire ? », interroge Esther Benbassa, sénatrice EELV. Membre de la commission des Lois au sein de la chambre haute, elle estime que ce régime d’exception n’est pas efficace pour lutter contre l’épidémie, mais sert « à concentrer les pouvoirs dans les mains de l’exécutif, à rogner nos libertés publiques et individuelles. Il n’y a aucune raison de le prolonger, car notre droit commun suffit. Macron fait du mal à notre démocratie ».
En parallèle de cette prorogation jusqu’en juin, le gouvernement prévoit l’instauration d’un régime transitoire organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 décembre 2021 inclus. La présentation de ce projet de loi par le premier ministre, qui devait avoir lieu le jeudi 7 janvier lors d’une conférence de presse, intervient quelques semaines après les polémiques soulevées par le texte « instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires », adopté le 21 décembre en Conseil des ministres. Aussitôt, une mesure avait concentré les critiques : « Le premier ministre peut (…) subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transport ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. » Face au tollé provoqué par cette disposition autoritaire limitant les libertés en l’absence de preuve de vaccination, Olivier Véran a renvoyé le texte à plus tard. « Le gouvernement ne le proposera pas devant le Parlement avant plusieurs mois, avant d’être sortis de la crise », avait-il promis.
« Un risque évident de banalisation »
Mais, pourquoi l’exécutif a-t-il besoin de maintenir un régime d’exception ? Le gouvernement veut garder les mains libres pour prendre des mesures restreignant les libertés en cas de crise sanitaire. Alors que l’état d’urgence terroriste de 2015 a fait son entrée dans le droit commun deux ans plus tard, beaucoup craignent que le régime d’exception sanitaire ne contamine lui aussi notre droit commun. Pour Maryse Artiguelong, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’homme, « nous sommes clairement face à ce risque, car ce gouvernement a montré son désamour pour les libertés individuelles. Il y a un risque évident de banalisation ». À ses yeux, l’introduction de ce nouveau régime juridique s’inscrit dans un contexte plus large : « On se dirige tout droit vers une surveillance généralisée, avec la loi de “sécurité globale” ou l’extension des fichiers permettant d’enregistrer les opinions politiques des personnes. Le gouvernement profite du fait que les gens ne soient pas aptes à réagir, par peur notamment du virus, pour détricoter nos libertés fondamentales. » D’ailleurs, un tel régime n’existe pas dans les autres démocraties européennes.
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