Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val-de-Marne, vient de faire voter au Sénat sa proposition de loi visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap.
Ce texte, adopté à l’Assemblée Nationale en 2011, vient d’être en première lecture discuté et adopté en séance publique au Sénat.
La sénatrice, rapporteure du texte, précise bien qu’il « intervient dans un contexte particulier, celui du débat entourant le projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Débat qui a frayé la voie ces dernières semaines à un climat ouvertement homophobe et à la multiplication de propos intolérables. »
Bravo, Esther !
Ainsi, sa proposition de loi porte de trois mois à un an le délai de prescription de l’action publique pour les délits de provocation à la discrimination, la haine et la violence, de diffamation et d’injure, commis en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap. Elle remédie à une anomalie juridique et rétablie cohérence et lisibilité. Dans le respect de la liberté de la presse.
Comment combattre les injures homophobes ? Il faut passer par une association et une procédure lourde et longue à laquelle la loi donne un cadre. »Au commencement il y a l’injure ». Les mots humilient ; et même, ils peuvent tuer. De toute façon, ils ne sont jamais innocents. Les idées circulent, et leur expression devrait être conduite dans le respect de l’autre, grâce au changement des mentalités. La loi de 1881, fondement de la liberté de la presse, est une loi garde-fou maintes fois modifiée, mais jamais abrogée, même si la presse de 2013 n’a rien à voir avec celle de 1881. Y toucher représente une sorte d’aventure juridique.
La « Toile », quant à elle, dématérialise, déborde sans limites, souvent dans l’inacceptable. Pire, si le papier disparaît, avec internet et les réseaux sociaux rien ne se perd, et l’injure homophobe, lesbophobe, sexiste, fait de ceux qui la prononcent « ce qu’ils ne pensaient pas être » ; elle devient indélébile. À l’ère du numérique, toute rumeur, toute agression, toute diffamation se voit propagée aussitôt dans le monde entier sans compter sur la possibilité de lecture différée grâce aux progrès de l’archivage. Le droit à l’oubli a disparu.
Hélas, les délais de prescriptions spécifiques à internet ne sont pas encore inventés. Aucune nation n’est en mesure d’imposer son système juridique.
« Bien sûr, répond Esther Benbassa, ce constat invite à la modestie d’autant qu’il met en évidence nos limites. » De sérieuses réflexions sont engagées afin que l’espace internet ne se joue pas de nos législations.
Cependant, aujourd’hui, nous apprécions cette loi qui, si elle n’est pas toute-puissante, peut apporter des mesures nécessaires en vue de protéger celles et ceux qui sont injuriés. Elle est une nouvelle avancée de la protection du droit des personnes.
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