Une sorte de monde parallèle. Les écologistes décrivent le monde cruel de la défaite en politique d’une manière originale. En arrivant à Dunkerque, où se tient l’université d’été d’EE-LV, on s’attendait à atterrir sur un tas de ruines, à croiser des visages sponsorisés par la déprime. Et puis non. La bonne humeur est partout. Dans les couloirs, à la cantine, les débats se déroulent dans une bonne ambiance. Au milieu du Centre des congrès, la direction du parti a même installé une aire de repos avec des jouets gonflables. Et les jeunes écologistes proposent des crêpes. Une kermesse bio. Jeudi matin, le chef d’EE-LV, David Cormand, lors de l’ouverture des portes, explique que le parti devait être plus «humble», «moins donneur de leçons» afin de grandir et attirer les curieux. Il conseille également à sa famille de faire cesser les luttes internes. Tout le monde acquiesce, mais personne n’y croit. Quelques minutes tard, on entend un militant, au bout d’un couloir, confier à un de ses camarades que les écologistes sont déjà dans le futur. Comprendre : l’avenir donnera raison à EE-LV.

«Une chance pour nous»

Au bout de quelques heures, on marque une pause pour s’interroger à voix basse. Le parti est-il conscient qu’il n’a plus un député à l’Assemblée nationale et à peine plus de 4 000 adhérents ? Ou bien chacun vit-il dans le déni ? Au fil des discussions, on trouve un début de réponse. Sur un bout de table, Marine Tondelier tire le bilan. Selon elle, si les membres de son parti gèrent aussi bien la défaite, c’est qu’elle n’est pas arrivée par surprise. «Tout le monde a vu venir le mur», dit-elle. La conseillère municipale de Hénin-Beaumont ajoute – avec une touche d’optimisme – que les Verts seront toujours présents, voire plus forts, après le départ de la vague qui a devasté la gauche. Un peu plus tard, Esther Benbassa nous explique presque la même chose : «Après la crise, l’heure est à l’innovation, donc c’est une chance pour nous.» Elle ajoute que le parti doit impérativement s’ouvrir aux autres. Et lorsqu’on lui demande de nous expliquer la bonne humeur dans les couloirs, la sénatrice nous file un cours de sociologie : «Les militants et les responsables de notre parti ont fait plus d’études que la moyenne nationale. Ils ne viennent pas ici pour faire la tête, mais pour débattre, trouver des solutions, apprendre et assister aux débats.» 

Les «opportunistes» et les «traîtres»

A Dunkerque, il y a un sujet tendance. En fait, il est tendance tous les ans. C’est le pouvoir. Selon le chef, David Cormand, «les écolos ont un rapport ambigu à l’incarnation». Certains expliquent que le Vert n’est plus présent sur la scène nationale, car il aime son rôle dans l’opposition. D’autres, à l’image d’un cadre, soufflent que le «déclin a commencé le jour où nous sommes arrivés au pouvoir avec des ministres, des députés, des maires. On a vu le vrai visage des quelques opportunistes et le départ des traîtres. Donc il faut faire attention, le pouvoir peut brûler des doigts».

Nicolas Thierry, membre de la direction, raconte une autre histoire. Pour renaître, le parti doit retrouver ses «valeurs» et ne pas se tromper de combat. «Le point de départ, c’est la défense de la nature et l’environnement. Aujourd’hui, les différentes ONG ne se sentent plus représentées par nous. Alors que nous devons apporter une réponse politique à leurs combats qui sont aussi les nôtres.» Des mots reviennent en boucle : «innover», «nouveau départ», «ouverture». Tout le monde est d’accord, ou presque. Reste que pour le moment, personne ne sait par où commencer, ni quand. Esther Benbassa nous dit simplement : «Je ne sais pas moi, mais si j’avais la recette magique, je la donnerais gratuitement à la direction.» Elle en a bien besoin, car les caisses sont vides.

Retrouver cet article sur le site de Libération.