Les sénateurs adoptent la loi sur la surveillance internationale (Next INpact, 27 octobre 2015)

« Mise à jour : Peu avant minuit, le Sénat a adopté la loi sur la surveillance internationale. On retrouvera ci-dessous notre compte rendu des débats.

C’est dans quelques minutes, à 21h30, que les débats sur la proposition de loi sur la surveillance internationale des communications électroniques débuteront au Sénat. Après avoir été votée à l’Assemblée nationale, la « PPL » entame là sa dernière ligne droite, le gouvernement ayant opportunément opté pour une procédure accélérée.

On pourra suivre les flux en direct sur cette page. Au fil de l’eau, nous rédigerons en parallèle un compte rendu (presque) intégral des débats, accompagné de nos explications techniques et juridiques. À toutes fins utiles, ceux intéressés par le sujet pourront s’armer de notre décryptage de ce texte pour le moins complexe.

Les échanges ne devraient, sauf surprise, pas durer longtemps. Et pour cause, seuls 13 amendements ont été déposés, dont un tardif du gouvernement, visant à indemniser les opérateurs télécoms du fait de la mise en oeuvre des opérations de surveillance (amendement 13). La PPL n’intègre au surplus que deux articles, mais qui sont plutôt denses et dont les répercussions en terme de vie privée, très lourdes.

21h32 Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Cette PPL répond un besoin urgent compte tenu des enjeux qu’elle contient. Le ministre de la Défense revient sur l’historique de la PPL. Initialement, la loi sur le Renseignement avait été épinglée par le Conseil constitutionnel. Pour le ministre, le CC n’a pas touché au fond, mais a simplement sanctionné un renvoi trop large (incompétence négative) du législatif à l’exécutif : Dans la version non encore censurée, le projet de loi offrait une situation très confortable au gouvernement : L’article censuré renvoyait à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés. Pour le juge constitutionnel, le législateur a ignoré sa compétence définie par l’article 34 de la Constitution.

Le ministre décrit les principales dispositions de la PPL, assurant en substance qu’elle ne concernera pas les Français (ce qui est faux). Voir notre article.

« L’ensemble des garanties que le gouvernement allait faire figurer dans le décret apparaît dans la loi. Cela remédie aux vices dénoncés par le Conseil constitutionnel » assure le ministre de la Défense. Cependant, la PPL contient beaucoup plus d’outils stratégiques que ne le prévoyait la loi, l’affirmation est donc pour le moins hasardeuse.

Au passage, le ministre ajoute que les données glanées via la PPL sur la surveillance des communications électroniques internationales s’expliquent notamment en raison des besoins de traduction et par la complexité des enquêtes. «  Certaines menaces peuvent rester dormantes pendant plusieurs années, avant de devenir actives ».

Selon lui, cette PPL a une grande importance : elle donne un cadre légal à une activité essentielle pour la protection des intérêts fondamentaux du pays.

21h44 Philippe Bas, rapporteur, sénateur, président de la Commission des lois

Pour le sénateur, le Conseil constitutionnel n’a pas critiqué les choix faits au fond, mais que le législateur ne pouvait s’en remettre au gouvernement pour préciser le régime de la collecte du renseignement. L’objet de cette PPL est de combler le vide juridique créé par la censure du CC en juillet dernier (notre analyse de la décision).

L’initiative parlementaire prise par les députés Patria Adam et Philippe Nauche était bienvenue pour répondre à ce besoin. Le sénateur rappelle qu’il a fait saisir le Conseil d’Etat pour jauger le texte (voir l’avis). Cet avis achève tous les doutes qu’on pouvait avoir sur la constitutionnalité mais également la conventionnalité du texte, spécialement le droit au respect de la vie privée. Le CE a considéré en substance qu’à situation différente, on pouvait prévoir des règles différentes. Une règle qui vaut également pour le renseignement international face aux mesures franco-françaises prévues par la loi sur le renseignement, votée en juin dernier.

Philippe Bas est très satisfait de ce texte : « je n’ai pas rencontré de système aussi favorable aux droits de la personne qui ouvre un tel système de protection, de possibilité », dit-il avant d’ajouter « nous avons pas à nous préoccuper autant de la protection des personnes à l’étranger que nos nationaux » (en substance).

A son tour, il décrit le régime de la PPL : les données qui se révèleraient franco-françaises seront effacées sans attendre. Les données mixtes (une partie française, une partie étrangère) elles reviendront dans le régime de la loi sur le renseignement. Enfin, pour les données entre étrangers, la PPL jouera à plein régime. Toutefois, signalons que les critères de rattachement d’un échange électronique ne sont pas aussi simples qu’un rattachement strictement géographique. Il y a plusieurs brèches dans la PPL qui permettront d’appliquer son régime très allégé, plutôt que le régime de droit commun de la loi sur le renseignement. En particulier, la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement ne rendra aucun un avis préalable dans la PPL. Elle n’interviendra qu’a posteriori, soit une fois que la violation de la vie privée sera consommée. […]

22h06 Esther Benbassa (EELV)

La sénatrice regrette d’entrée que le gouvernement ait choisi de déclarer l’urgence, ce qui limite la teneur des échanges. Elle épingle aussi le PS qui a préféré passer par une proposition de loi, ce qui a évincé l’avis du Conseil d’Etat, conduisant finalement les Républicains à intervenir pour défendre les libertés.

Pour le groupe EELV,  le champ de ce texte est trop vaste. Les services pourront collecter massivement des données de connexion au motif notamment des intérêts majeurs de la politique étrangère, ou de la politique, ou de la prévention du terrorisme. Il implique la collecte par défaut les identifiants des Français qui auraient le tort d’utiliser des services américains comme Twitter ou Skype.

La CNCTR n’aura que peu de pouvoir, alors que le défenseur des droits a réclamé un contrôle effectif sur ces mesures pour éviter les atteintes disproportionnées au droit à la vie privée.

Elle rappelle que plusieurs associations ont critiqué le texte comme Amnesty International ou le Commissaire européen aux droits de l’homme. Plutôt que protéger la sécurité des citoyens, cette PPL va faire de chacun d’entre nous un suspect potentiel et justifiant une surveillance de masse que nous avons pourtant tous dénoncée après les révélations Snowden.

Elle annonce que le groupe EELV votera contre. […] »

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