Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne, condamne fermement la réaction violente du gouvernement turc à l’encontre des Stambouliotes qui ont manifesté contre le bétonnage de leur ville, notamment de la place de Taksim, coeur vivant de la cité, bordée d’un parc très apprécié des habitants. Le Premier Ministre Erdogan, au service d’un capitalisme débridé, ferait, si on le laissait, de cette ville historique un immense centre commercial. Le projet de transformation de cette place en travaux depuis des mois en est un témoignage de plus.
Les opposants à ce projet ont également manifesté leur profond mécontentement face à un gouvernement qui, fort de ses deux derniers succès électoraux, instaure peu à peu un régime liberticide, empêchant la libre expression des intellectuels et des journalistes, n’hésitant pas à les emprisonner pour délit de critique, et tentant d’islamiser la société turque par une réglementation sévère de la vente et de la consommation de l’alcool, l’interdiction du baiser dans la rue, du rouge à lèvres pour les hôtesses de Turkish Airlines, et même, comble de la pudibonderie, de la diffusion télévisée de l’Eurovision au motif que deux femmes s’y embrassaient, floutant les images des films considérées comme indécentes par un certain islam, discriminant les gays et les lesbiennes, etc.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, si l’économie nationale connaît un essor considérable, la condition des femmes ne fait en revanche que s’aggraver sous l’effet des violences domestiques et des « meurtres d’honneur », et les libertés vont diminuant. En fermant les portes de l’Union européenne à la Turquie, l’Europe a donné au pays l’occasion de se tourner, aussi bien culturellement qu’économiquement, vers les terres d’Islam, et cela avant que les réformes qu’elle lui demandait ne soient achevées. Aujourd’hui, à peine un tiers des Turcs est favorable à l’entrée dans l’Union européenne, aussi bien par dépit que par l’effet de la contre-propagande d’un gouvernement qui a un temps montré le visage d’un islam modéré, mais qui, aujourd’hui, révèle celui d’un islam politique dur s’insinuant dans toutes les strates de la vie du pays, soit par clientélisme, soit par la force.
Les démocrates turcs et turques manifestent dans les grandes villes comme Istanbul, Izmir et Ankara pour que leur pays recouvre la démocratie et les libertés qui en sont indissociables. Ils/elles ont résisté aux réactions disproportionnées de la police et continueront de le faire, malgré les fanfaronnades d’Erdogan et de ses amis et malgré la censure sur les chaînes de télévision. Esther Benbassa était à leur côté il y a trois semaines à Ankara. Elle continue à le rester de loin, en France, et elle appelle tous les démocrates occidentaux ainsi que leurs gouvernements à exprimer leur soutien aux manifestants et aux habitants qui se battent aujourd’hui en Turquie pour toutes ces libertés qui honorent l’humanité.