Le Parlement a définitivement adopté mercredi par un ultime vote du Sénat le projet de loi antiterroriste très controversé qui doit prendre le relais de l’état d’urgence au 1er novembre.
Déjà largement approuvé par l’Assemblée nationale il y a une semaine, le texte a été voté par 244 sénateurs. Vingt-deux ont voté contre, essentiellement membres du groupe Communiste, citoyen, républicain et écologiste (CRCE). Les socialistes se sont abstenus.
Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb s’est félicité dans un communiqué du large accord en faveur de ce texte, « un enjeu majeur qui nécessitait de se rassembler et de faire preuve d’unité nationale ».
Au centre de ce texte figure le renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative (préfets, ministre de l’Intérieur) pour assigner quelqu’un (non plus à résidence, mais dans un périmètre au minimum égal à la commune), réaliser des perquisitions, fermer un lieu de culte ou faire des contrôles d’identité près des frontières. Le tout sans feu vert judiciaire, perquisitions exceptées.
Ces mesures sont transposées de l’état d’urgence post-attentats du 13 novembre 2015 -prolongé une sixième fois en juillet-, mais plus limitées et ciblées sur la prévention du terrorisme.
« Je ne prendrai pas la décision de déférer cette loi devant le Conseil constitutionnel (…) La qualité du travail a permis d’aboutir à une texte pleinement satisfaisant », a souligné Emmanuel Macron mercredi, en rendant hommage au travail parlementaire lors d’un discours sur la sécurité devant les policiers et gendarmes.
Députés et sénateurs – ces derniers majoritairement LR – étaient parvenus à un accord en commission mixte paritaire (CMP) sur une version commune du texte. La CMP a supprimé, à la demande des sénateurs LR, l’obligation pour une personne soumise à une mesure individuelle de surveillance de déclarer les numéros d’abonnement et les identifiants techniques de ses moyens de communication électronique.
Alors qu’à l’Assemblée Éric Ciotti (LR) avait défendu une motion de rejet en séance, procédure rare à ce stade de la procédure, il n’en a pas été de même au Sénat où le principal artisan de l’accord a été le président LR de la commission des lois, Philippe Bas.
– Éviter une ligne rouge –
« Nous ne pouvons pas donner à l’État les mêmes moyens dans une loi permanente que dans une loi d’exception », a plaidé l’élu de la Manche.
Il a noté que Michel Mercier, qui a démissionné du Sénat et avait été rapporteur en première lecture, « s’était évertué à sauver ce texte sécuritaire en contenant strictement les restrictions aux libertés qui eussent pu encourir une censure du Conseil constitutionnel », a poursuivi M. Bas. « Aller plus loin dans notre arsenal sécuritaire sans franchir la ligne rouge de l’atteinte durable à l’État de droit est une gageure ».
« Certes, nous ne pouvons prétendre éviter ainsi tout nouvel attentat », a reconnu Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur. « Mais nous avons vu que l’état d’urgence ne constitue pas, lui non plus, un bouclier suffisant contre le terrorisme ».
« Le gouvernement a été hermétique à la fois aux voix extérieures comme à celle du défenseur des droits, et aux voix des parlementaires opposés à ce flot de législation toujours plus autoritaire », a regretté Éliane Assassi (CRCE). « Quand allons-nous comprendre que le terrorisme appelle plus la prévention que la répression? ».
Pour sa part, Esther Benbassa (CRCE) a estimé qu’avec ce nouveau texte « la société qui nous est proposée ici est une société du soupçon permanent, laissée entre les mains des pouvoirs administratifs, où le préfet et le ministre de l’Intérieur peuvent remplacer désormais les juges ».
Les sénateurs socialistes déplorent « que trop de questions restent en suspens, dont certaines relèvent de la constitutionnalité du texte », a souligné Jacques Bigot (PS).
Nathalie Goulet (UC) qui s’est aussi abstenue, a proposé « non pas comme Madame Parly une élimination ciblée, qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas », mais une initiative française en vue de la création d’un tribunal pénal international qui serait chargé de juger les combattants terroristes étrangers ayant pris part à des opérations en Syrie, en Irak ou ailleurs dans le monde.