Xavier Berne
« Le statut des hébergeurs à nouveau dans le collimateur
Un groupe de travail sénatorial va être prochainement installé, en vue de se pencher sur la façon d’encadrer différemment la liberté d’expression sur Internet. Si aucune proposition de loi n’est pour l’instant clairement brandie par l’élue à l’origine de cette réflexion, il semble que plusieurs pistes soient d’ores et déjà sur la table.
L’encadrement de la liberté d’expression sur Internet continue de susciter le débat chez les hommes politiques. Lundi, la sénatrice Esther Benbassa (EELV) signait un billet au Huffington Post, dans lequel elle affirmait que « la loi sur la liberté de la presse de 1881 n’est plus appropriée aux nouvelles technologies ». Très critique à l’égard de l’utilisation des réseaux sociaux, l’élue expliquait qu’il n’était « pas question » selon elle de limiter la liberté d’expression sur Internet, « mais d’en tracer prudemment les contours, comme il est déjà en général d’usage dans la presse ».
La parlementaire annonçait enfin qu’un « débat » avait été ouvert au Sénat, en vue de mener une « réflexion nécessaire à l’élaboration d’une loi nouvelle sur la liberté de l’Internet ». Hier, Mediapart (accès payant) rapportait ainsi qu’Esther Benbassa venait d’être chargée d’animer un tel groupe de travail. « Notre problématique sera : “Comment encadrer internet sans porter atteinte à la liberté d’expression ?” » a expliqué l’élue à nos confrères. « J’ai conscience que c’est une question très délicate car on peut très vite saper la liberté d’expression. (…) Mais les mots peuvent aussi tuer ».
Contacté, le bureau parlementaire de la sénatrice écologiste nous a confirmé que l’intéressée avait « proposé de mettre en place un groupe de travail parlementaire qui mènerait une réflexion sur cette question ». En revanche, l’entourage de l’élue a insisté sur le fait que « Madame Benbassa n’a pas été chargée par le gouvernement de rédiger une proposition de loi ni d’animer un groupe de travail sur la liberté numérique ». Ce groupe de travail parlementaire, censé auditionner différents experts (juristes, associations…), ne serait d’ailleurs même pas encore formellement constitué.
Quoi qu’il en soit, cette réflexion aurait d’ores et déjà quelques pistes selon Médiapart. La première consisterait à revoir les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Il en fut d’ailleurs question récemment au Sénat, mais aussi au Forum International de la Cybersécurité (FIC) à Lille, où le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a déclaré que « le traitement de certains délits de presse (l’apologie du terrorisme, l’incitation à la haine raciale, au meurtre, aux propos racistes, antisémites) doit pouvoir être repensé sans toucher aux grands équilibres de la loi sur la presse de 1881. Clairement la question est posée aujourd’hui compte tenu de la force de frappe d’internet et son influence sur les citoyens de savoir si la répression de tels délits relève encore de cette législation ». En filigrane, le locataire de la Place Beauvau évoquait la possibilité de faire basculer ces délits de la loi de 1881 jusque dans le Code pénal.
Deuxième piste évoquée, toujours selon nos confrères : « l’obligation pour chaque site ou plateforme de se doter d’un « directeur de la publication » responsable devant la loi de tous les contenus publiés ». Autrement dit, il s’agirait là d’une profonde et sérieuse modification du statut juridique des hébergeurs.
Restera maintenant à voir si cette réflexion débouchera à une proposition de loi, et quel en sera plus précisément le contenu » .
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