Le Sénat: un gros caillou dans la chaussure du gouvernement (AFP, 17/10/2012)

Le gouvernement Ayrault doit composer avec un Sénat turbulent où communistes, radicaux de gauche et
écologistes font entendre leurs différences, l’obligeant à compter sur la droite pour faire voter certains textes.
La gauche n’est majoritaire que de six voix au Sénat, où les 127 sénateurs socialistes ne peuvent rien sans les 20
communistes, les 18 membres du RDSE (radicaux de gauche) ou les 12 élus d’Europe Ecologie-Les Verts.
Il suffit de l’abstention d’un de ces groupes pour qu’un texte soit retoqué s’il ne recueille pas l’assentiment de la
droite.
Le projet de loi sur le logement social a frôlé le rejet, le RDSE exigeant le retrait d’un article imposant 10% de
logements sociaux à certaines petites communes. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a dû s’engager à un
retrait prochain.
Dernier soubresaut: la proposition de loi (PPL) PS sur les tarifs progressifs de l’énergie, déjà adoptée par les
députés mais qui rencontre l’opposition farouche des sénateurs communistes et de la droite. Le CRC menace de
faire voter une motion d’irrecevabilité lors du débat le 30 octobre si la PPL n’est pas remaniée. Le budget 2013
risque bientôt d’être chahuté.
« Nous avons été clairs dès le début, disant que tout ce qui irait dans le bon sens nous le soutiendrions et que ce qui
nous ne conviendrait pas nous ne le prendrions pas », explique la présidente du CRC, Eliane Assassi.
« Mon groupe n’est pas traité à égalité des autres composantes de la majorité, nous avons des choses à dire, qu’on
nous entende », déplore l’élue qui demande « des discussions en amont sur les textes ».

Ecolos pris en étau
Le CRC a également voté contre le récent projet de loi Valls sur le terrorisme, le traité budgétaire européen et s’est
abstenu sur les emplois d’avenir. Trois textes qui sont passés grâce à la droite.
La position des écologistes, partie au gouvernement, est plus délicate. Ils n’ont pas approuvé le traité européen et
se sont abstenus sur le texte terrorisme. Mais certaines couleuvres, comme le report de l’interdiction du Bisphénol
A dans les contenants alimentaires, risquent d’être de plus en plus difficiles à avaler pour certains.
« Il faut qu’on trouve un équilibre, je me sens déstabilisée parce que je n’ai pas envie de voter certaines lois avec la
droite. Moralement il y a des choses que je ne peux pas accepter et en même temps je ne veux pas gêner la
majorité », confie, à titre personnel, Esther Benbassa, sénatrice depuis 2011 issue de la société civile.
« J’ai l’empression d’être prise dans un étau, pas mal de socialistes avalent leur chapeau, on ne va pas continuer
ainsi « , lâche-t-elle.
Les petits groupes de la majorité se tirent aussi dans les pattes s’accusant à voix basse de « magouilleurs de
couloir » « d’écologistes de salon », de « radsocs francs-macs », de « cocos dogmatiques ».
Les écologistes ont qualifié dans un communiqué le RDSE, qui a fait rejeter par son abstention leur proposition de
résolution sur les Roms, de « maillon manquant dans la majorité ».
« Nous sommes un groupe libre, un groupe positionné avec des gens qui viennent d’horizons divers mais qui
s’expriment de manière identifiée et identifiable », rétorque le président du RDSE, Jacques Mézard. « En quoi nous
n’aurions pas le droit à une expression libre? ».
« Pour avoir une majorité, il faut absolument que toutes les composantes de la gauche votent de la même manière,
je m’y emploie, mais je ne garantis jamais d’arriver à bonne fin parce que chacun a sa sensibilité », admet le
président du groupe PS François Rebsamen.
« Cela demande plus d’écoute de la part du gouvernement, plus de temps, parce qu’il faut à chaque fois entendre les
remarques mais cela donnera des textes travaillés », se console-t-il.