Le Sénat s’apprête à abroger le délit de racolage passif (L’Express, 28 mars 2013)

Par Joël Saget.

« La proposition de loi de la sénatrice EELV Esther Benbassa visant à supprimer le délit de racolage passif devrait être votée ce jeudi par la chambre haute. La mesure avait été instituée en 2003 par Nicolas Sarkozy. .

Le délit de racolage passif vit certainement ses dernières heures. La proposition de loi (PPL) de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, qui doit être discutée ce jeudi au Sénat, devrait en effet être votée par la gauche, majoritaire à la chambre haute.

La PPL d’Esther Benbassa prévoit de retirer du Code pénal ce délit institué par la loi sur la sécurité intérieure du 19 mars 2003. Cette loi pénalise « le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ».

« Le délit de racolage n’a fait que fragiliser davantage les prostituées »

Tout contrevenant est passible de deux mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. La loi de 2003 était censée diminuer les troubles à la tranquillité publique, tout en permettant, à l’occasion de la garde à vue des prostituées interpellées, de permettre à la police de recueillir des informations sur les réseaux de proxénétisme.

Ces deux objectifs sont loin d’être atteints, a estimé la rapporteure Virginie Klès (PS) lors de l’examen du texte en commission. Elle a observé que la crainte d’être arrêté avait conduit de nombreuses prostituées à s’éloigner des centres urbains, aggravant leur situation sanitaire et sociale et les exposant à un risque accru de violences.

« En 2012, à Paris, sur 1600 interpellations, environ 800 personnes seulement sont déférées et seules 320 ont été vues par la brigade de répression du proxénétisme » a-t-elle précisé.

« L’institution du délit de racolage n’a fait que fragiliser davantage des prostituées déjà vivement stigmatisées », a insisté Esther Benbassa.

Malaise au sein du PS

Un rapport de Médecins du Monde fin 2012 indiquait que les prostituées chinoises étaient particulièrement exposées aux violences physiques et aux viols, mais que peu portaient plainte. Travaillant souvent dans des endroits reculés, elles réduisent les temps de négociations avec les clients, au risque d’accepter des pratiques à risque.

L’abrogation de ce délit est une promesse de campagne de François Hollande mais c’est paradoxalement par le biais d’un texte EELV discuté dans une « niche » parlementaire réservée aux écologistes que cette promesse devrait être tenue.

Le parcours du texte a été chaotique avant son examen en séance, illustrant le malaise au sein du PS sur la prostitution, entre « abolitionnistes » partisans de la suppression de la prostitution et de la pénalisation des clients et d’autres qui considèrent qu’il est vain de lutter contre la prostitution, et prônent plutôt la protection des prostituées . »

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