par Jacques Demarthon
Le Sénat, dont la majorité est détenue par la gauche, a rejeté mardi la proposition de loi du député UMP Eric Ciotti, prévoyant un encadrement de type militaire des mineurs délinquants, sans même accepter d’en discuter les articles.
La majorité PS, CRC (communistes), RDSE (à majorité PRG), EELV a voté une « question préalable » par 176 voix contre 168, ce qui équivaut à un rejet. Cette procédure permet de ne pas engager la discussion des articles si les parlementaires estiment inutile toute délibération au fond.
Ce texte prévoit que des mineurs délinquants de plus de 16 ans pourront se voir proposer un service « citoyen », d’une durée de 6 à 12 mois au sein d’un Etablissement public d’insertion de la Défense (Epide).
Cette idée fait partie des 50 mesures d’un rapport sur l’exécution des peines pénales d’Eric Ciotti, chargé des questions de sécurité à l’UMP.
La gauche sénatoriale a voulu marquer son opposition totale à un texte voté par les députés le 12 octobre, qui a recu le soutien du président Nicolas Sarkozy. Elle a dénoncé un « texte de communication », « bâclé », qui « déstabiliserait » les Epide. Ces derniers, dont l’action a été saluée sur tous les bancs, accueillent des jeunes majeurs en difficulté dans le cadre du dispositif « Défense deuxième chance ».
« Les jeunes y sont en insertion et pas en rééducation ou en sanction après des actes de délinquance », s’est exclamée le rapporteur PS, Virginie Klès.
« Nous disons non à une énième loi d’affichage », a lancé la présidente du groupe CRC, Nicole Borvo Cohen-Seat.
« Il s’agit encore une fois pour une certaine droite populaire de chercher à flirter avec l’électorat de l’extrême droite », a renchéri Esther Benbassa (EELV). « Trop, c’est trop, il faut revenir à la mesure, tel a été le message des grands électeurs », a ajouté Jacques Mezard (RDSE), évoquant le récent basculement à gauche du Sénat.
La gauche a dénoncé d’autres articles de la proposition de loi introduits par le gouvernement pendant la lecture à l’Assemblée nationale qui modifient l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Catherine Tasca (PS) a évoqué une « véritable entreprise de démolition du droit pénal des mineurs » .
Ce texte a aussi suscité des inquiétudes parmi les militaires, ainsi la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, saisie pour avis, l’avait rejeté.
Le ministre de la Justice, Michel Mercier a justifié un dispositif « s’inscrivant dans un véritable parcours de réinsertion » excluant toute « déstabilisation » des Epide avec des mineurs qui ne représenteraient qu' »au plus 10% » de l’effectif. Son application est prévue « dès février 2012 dans trois établissements » et « dans 15 centres d’ici juin » pour « accueillir 200 jeunes »
Ségolène Royal (PS), qui défend depuis 2006 l’idée d’un encadrement militaire, voulait encadrer 5.000 mineurs délinquants. Mais son idée n’a pas été reprise dans le projet socialiste pour 2012.
La droite UMP et centriste a voté contre la motion préalable regrettant que le Sénat « renonce à amender le texte ». Colette Giudicelli (UMP) a défendu « le chaînon qui manquait à (la) réponse pénale » en « resocialisant les mineurs primo-délinquants ». « Il s’agit d’une option supplémentaire pour que ces mineurs prennent conscience de l’avenir qu’ils ont à construire », a plaidé François Pillet (UMP).
La proposition de loi, inscrite en urgence (une lecture par assemblée), va être maintenant soumise une Commission mixte paritaire (CMP, 7 sénateurs, 7 députés) pour élaborer un compromis. Si elle échoue, comme c’est probable, le texte reviendra devant le Parlement et l’Assemblée nationale aura le dernier mot.