Le Sénat dénature et durcit la loi sur l’asile (Le Monde, 11 mai 2015)

« Destinée à fluidifier un système engorgé et à mettre la France en règle avec les textes européens, la réforme du droit d’asile arrive, lundi 11 mai, en discussion au Sénat. Difficile de reconnaître ce texte, tant il s’est métamorphosé depuis son adoption en décembre 2014 à l’Assemblée nationale. « La commission des lois du Sénat en a totalement changé l’esprit », regrette la sénatrice EELV Esther Benbassa. L’UMP Philippe Bas, président de la commission des lois, estime pour sa part que les 250 amendements intégrés vont « sauver le droit d’asile ».

En proposant ce texte, le gouvernement espérait réduire le délai de traitement des dossiers, qui prend rarement moins de deux ans. Des « procédures accélérées » sont censées limiter ce délai à neuf mois ; en parallèle ont été pensées une série de mesures assurant un accès plus large à l’hébergement par une meilleure répartition des demandeurs sur le territoire, ainsi que la présence d’un tiers à l’entretien devant l’Office français des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

Après son passage en commission des lois, le ton a changé. Des amendements imposent aux déboutés du droit d’asile de quitter le territoire et interdisent à tous les refusés de solliciter un autre mode de régularisation. Des mesures qui, selon Serge Slama, maître de conférences en droit public et spécialiste des droits des étrangers, sont contraires aux textes européens. Ce qui fait dire au député socialiste Jean-Yves Leconte que la prise en main par l’UMP en commission des lois est « soit de l’incompétence, soit de l’exploitation politique ».

Le débat s’est envenimé « parce que nous entrons dans une séquence plus politique », estime Esther Benbassa. La divulgation d’un document provisoire de la Cour des comptes, chiffrant à 2 milliards d’euros par an le coût de l’asile en France et affirmant que 1 % seulement des déboutés faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sont effectivement expulsés, a nourri l’argumentaire de ceux qui voulaient politiser ce dossier, où il est question de droits de l’homme et non d’immigration. Un second projet de loi sur les titres de séjour « sera examiné en 2015 », a confirmé l’entourage de Bernard Cazeneuve.

La réforme de l’asile pâtit d’avoir été disjointe de celle de l’immigration, en tout cas pour l’UMP, et souffre d’arriver en discussion alors que les naufrages se multiplient en Méditerranée, donnant l’impression d’une Europe assiégée. Alors que les demandes d’asile ont baissé – de 2,2 % – en France en 2014, pour la première fois depuis sept ans. »

 

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