Alors qu’un groupe de travail rassemblant des élus de tous bords avait, dans un premier temps, travaillé à un texte commun, cette unité a fait long feu. C’est donc en ordre dispersé que les groupes politiques vont aborder l’étude du texte voté en première lecture à l’Assemblée.
Le Sénat étudie une alternative transpartisane au projet de loi du gouvernement contre les violences sexuelles. / Alexis Sciard /IP3/MaxPPP
Ce devait être un moment de concorde pour une grande cause capable de rassembler au-delà des clivages partisans. Et pourtant. Pas plus qu’à l’Assemblée nationale, où le texte a été adopté en première lecture par le seul groupe La République en marche, l’union ne semble être possible au Sénat où le texte arrive en commission mercredi 20 juin.
De fait, le groupe Les Républicains (LR) devrait finalement défendre seul le texte issu d’une réflexion pourtant transpartisane. « Avec notre rapporteure Marie Mercier, nous restons sur une ligne de conviction. Nous restons persuadés qu’introduire un seuil d’âge en matière de viol, à 13 ou à 15 ans, est une idée dangereuse, explique Philippe Bas. La commission des lois devrait nous suivre sur cette voie, comme elle l’a déjà fait il y a deux mois. » Le groupe LR y étant majoritaire, le vote de la Commission des lois semble en effet acquis.
Depuis février, pourtant, le Sénat étudie une alternative transpartisane au projet de loi du gouvernement, et notamment à son article 2 si décrié. Ce texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale pose qu’en cas de relations sexuelles entre un majeur et un mineur de 15 ans, le jeune âge de celui-ci doit être pris en compte par le juge comme élément constitutif de la contrainte morale. Cela doit permettre de faciliter la qualification de viol estime le gouvernement.
Un texte d’origine sénatoriale
Un texte d’origine sénatorial élaboré en février dernier par un groupe de travail qui rassemblait des personnalités aussi différentes que Marie Mercier et Philippe Bas, Arnaud de Belenet (LREM), Esther Benbassa (CRCE), Françoise Gatel (Union centriste) et Marie-Pierre de La Gontrie (PS) a imaginé une protection des mineurs très différente. À l’issue de travaux menés en commun et en relation avec la délégation aux droits des femmes, les sénateurs ont en effet demandé la création d’une présomption de contrainte en cas de relations sexuelles entre un adulte et un mineur, cette présomption étant fondée sur l’incapacité de discernement du mineur ou la différence d’âge entre le mineur et le majeur.
Seuil d’âge
Ce texte avait l’avantage ou l’inconvénient – selon les points de vue – de ne pas graver dans le marbre un seuil d’âge précis. Ainsi, du côté de ceux qui y voient un avantage, se trouvent les élus du groupe LR qui dénoncent les effets de seuil que pose le projet de texte du gouvernement. « Comment expliquer à des parents que l’on va désormais mieux protéger un enfant de 15 ans moins un mois qu’un enfant de 15 ans plus un mois ?, interroge Philippe Bas. Ce qui est important, c’est de pouvoir mieux protéger tous les enfants. »
Une analyse que ne partagent a priori pas les autres groupes politiques qui ne devraient pas soutenir ce texte lors de son examen en commission des lois. C’est du moins ce qu’anticipe Laurence Rossignol (PS). « Je suis la première à admettre que je me suis trompée, explique l’ancienne ministre des familles, mais il m’apparaît que personne n’a rien compris ni à l’article 2 du texte du gouvernement ni à notre propre texte car ils ne posent pas un interdit assez précis. »
Son groupe, comme l’ensemble de l’opposition sénatoriale devrait donc voter finalement en faveur d’un interdit absolu « deçà de l’âge de 13 ans, qui est absolument indiscutable. Personne ne peut, en effet, prétendre sérieusement qu’un enfant de 12 ans puisse être consentant à des relations sexuelles avec un adulte. »