Le Sénat adopte la réforme du droit d’asile après l’avoir durcie, contre l’avis du gouvernement (AFP, 26 mai 2015)

Le Sénat a adopté mardi en première lecture la réforme du droit d’asile après l’avoir durcie, contre l’avis du gouvernement.

 

UMP et centristes se sont opposés entre eux sur une disposition -rejetée à gauche- voulant qu’un rejet définitif de demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) vaille obligation de quitter le territoire français.

 

Le texte modifié interdit également à l’étranger débouté de sa demande d’asile de solliciter un titre de séjour à un autre titre. Il permet aussi à l’administration d’assigner à résidence les déboutés dans des centres en vue de préparer leur éloignement.

 

187 sénateurs de droite (UMP et UDI-UC) ont voté ce texte, 31 de gauche (communistes et écologistes) s’y sont opposés. Les socialistes et la plupart des RDSE (à majorité PRG) se sont abstenus.

 

Le texte ayant été présenté en procédure d’urgence par le gouvernement, c’est-à-dire une lecture par chambre, il va faire l’objet d’une Commission mixte paritaire (CMP, 7 sénateurs, 7 députés) chargée de trouver une version commune. En cas d’échec, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.

 

Son succès dépendra notamment du groupe centriste, à qui le président de la commission des Lois Philippe Bas (UMP) a promis de revoir la disposition qu’ils avaient combattue en séance prévoyant qu’une décision de l’OFPRA vaut obligation de quitter le territoire.

 

« Je reste convaincue que cette mesure, si elle devait être adoptée définitivement, serait dommageable en termes d’efficacité comme en termes de délais », a déclaré Valérie Létard (UDI-UC).

 

« Je compte, M. le président de la Commission, sur votre volonté de parvenir à une solution acceptable par tous avant la tenue de la CMP », a-t-elle ajouté, tout en qualifiant le bilan des débats de « largement positif ».

 

La procédure d’asile « a été dévoyée et transformée en véritable machine à légaliser des clandestins », a lancé Catherine Troendle (UMP). « Notre groupe se satisfait des travaux du Sénat, qui ont permis d’améliorer ce texte, par l’introduction de deux principes importants à nos yeux: celui de l’insertion, des bénéficiaires d’une protection, et celui de l’éloignement, des personnes déboutées de leur demande d’asile », a-t-elle ajouté.

 

 

 

– ‘Bouclier sécuritaire’ –

 

 

« Réduction des délais d’instruction, garanties supplémentaires accordées au demandeur, amélioration de l’accueil sont autant d’avancées que notre Haute Assemblée a conservées », a estimé le chef de file PS, Jean-Yves Leconte. « Mais il y a des choses inacceptables dans ce texte, il y a des reculs », a-t-il ajouté. « Le groupe socialiste ne peut pas le voter, mais compte tenu des réelles avancées observées et pour obtenir un résultat en CMP, nous nous abstenons. »

 

« Le Sénat a voté le principe selon lequel le rejet définitif de la demande vaut obligation de quitter le territoire français. Que devient le droit internationalement reconnu à la vie familiale? », a demandé Jean-Claude Requier (RDSE).

 

« Ce projet de loi, loin de mieux garantir les droits et libertés fondamentaux des demandeurs d’asile, tourne au bouclier sécuritaire, sacrifiant les plus fragiles à une obsession anti-immigration », a critiqué de son côté Esther Benbassa (écologiste).

 

La communiste Eliane Assassi a également dénoncé l’accélération de la procédure d’urgence.

 

Les deux sénateurs Front national ont voté contre le texte: « Qu’un rejet définitif vaille obligation de quitter le territoire français va dans le bon sens, mais cette mesure relève de la posture et signe l’incapacité de l’UMP à proposer une véritable alternative », a affirmé Stéphane Ravier.

 

« Je forme le vœu que le travail que nous avons fait ensemble puisse aboutir à un accord », a conclu le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, dont l’ambition est de réduire à 9 mois en moyenne la durée totale de l’examen d’une demande, alors qu’actuellement elle peut excéder deux ans. « Il faut faire en sorte qu’une réforme conforme à la tradition de la République soit apportée à ceux qui relèvent de l’asile parce qu’ils sont dans leur pays persécutés. »