Le nouveau projet de loi sur le harcèlement sexuel devant le Sénat (AFP, 11 juillet 2012)

11/7/12 – 18 h 15 AFP – FRANCE

Le Sénat a examiné mercredi le nouveau texte de loi sur le harcèlement sexuel, qui prévoit une définition plus précise de ce délit et un alourdissement des sanctions, après l’abrogation il y a deux mois par le Conseil constitutionnel du texte originel.

La discussion promet d’être longue. Plus de 60 amendements ayant été déposés, la séance pourrait se prolonger tard dans la nuit, voire reprendre jeudi même si le vote devrait être unanime. Droite et gauche sont en effet d’accord sur ce texte mais entendent élaborer un projet de loi irréprochable juridiquement.

Le gouvernement a décidé de recourir à la procédure accélérée (une lecture par assemblée) afin de parvenir à un vote définitif dès fin juillet.

C’est un projet de loi « important car il est question de dignité de la personne », a déclaré la ministre de la Justice, Christiane Taubira, en le présentant aux sénateurs. « Il tient du symbole et de la volonté politique que ce soit le premier texte » examiné devant le Sénat, a-t-elle ajouté. Elle a assuré que la nouvelle définition du harcèlement sexuel permettra de couvrir « l’ensemble des situations concrètes ».

« Cette situation de souffrance sans recours nous oblige », a ajouté Najat Vallaud-Belkacem (Droits des femmes) apportant son soutien à « celles qui ont vu les actions qu’elles avaient engagées s’éteindre brusquement ».

Le Sénat s’est fortement impliqué, avec pas moins de sept propositions de loi émanant de toutes tendances politiques, et un groupe de travail qui a longuement auditionné les parties, et notamment les associations, ayant jugé le texte du gouvernement inabouti.

La commission des Lois a donc enrichi le projet de loi, intégrant des éléments des propositions de loi sénatoriales.

« Nous proposons une loi plus claire et plus précise avec un champ élargi de l’infraction » mais « comme toute loi, elle demeurera tributaire de l’interprétation de nos juridictions », a souligné le rapporteur Alain Anziani (PS).

L’écologiste Esther Benbassa a lu une longue lettre émouvante d’une jeune universitaire décrivant sa souffrance et « le calvaire de son parcours judicaire ». Elle a aussi souligné que ce délit « touchait également les hommes, les homosexuels, les lesbiennes et les transsexuels ».

Le texte discuté en séance définit ainsi le harcèlement comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant ».

Mais il prévoit aussi un cas de « chantage sexuel », par exemple lors d’un entretien d’embauche ou l’attribution d’un logement, d’une promotion.

« Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers », indique le texte.

Ces deux délits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, portés à trois ans et 45.000 euros en cas de circonstances aggravantes (relation d’autorité, victime mineure de 15 ans ou vulnérable…).

La loi punit en outre d’un an de prison et de 3.750 euros d’amende le fait de discriminer une personne ayant subi ou refusé de subir le harcèlement.

Le texte abrogé par le Conseil constitutionnel définissait simplement le harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » et le punissait d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

A l’appel d’associations féministes, une petite centaine de personnes ont manifesté aux abords du Palais du Luxembourg, estimant qu’en l’état le texte n’est « pas satisfaisant ». Ces associations redoutent notamment que le projet de loi -qui sera examiné par les députés le 24 juillet- conduise à des déqualifications pénales de tentatives d’agression sexuelle ou de viol qui seraient de fait moins sévèrement punies.