Le drapeau en hommage aux victimes ne fait pas l’unanimité au Sénat (Public Sénat, 26 novembre 2015)

Pour l’hommage aux victimes des attentats du 13 janvier, François Hollande invite tous les Français « à pavoiser » de drapeaux tricolores leur domicile. Entre récupération électorale et patriotisme excessif, l’initiative présidentielle partage les sénateurs.

 

L’hommage national des victimes des attentats du 13 novembre demain à l’hôtel des Invalides devrait rassembler plus d’un millier de personnes. « Pour permettre à chaque Français  vendredi d’être aussi partie prenante de cet hommage » François Hollande les invite à « pavoiser » leur domicile d’un drapeau bleu blanc rouge, « les couleurs de la France ». Un président socialiste vantant le symbole patriotique du drapeau tricolore, l’idée peut surprendre car en politique l’étendard national flotte plus généralement lors des rassemblements d’extrême droite qu’à l’occasion de la fête de la rose. Généralement associé au patriotisme, au nationalisme, voir à l’ultranationalisme, le bleu blanc rouge dans les mots du chef de l’Etat est la marque d’une cohésion nationale et non celle du repli sur soi.Il faut remonter à la campagne de l’élection présidentielle de 2007 pour voir les vertus du drapeau tricolore louées par un représentant de la gauche. En mars de cette année, la candidate PS Ségolène Royal déclarait : « Je pense que tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore. Dans les autres pays, on met le drapeau aux fenêtres le jour de la fête nationale ». Le sénateur (PS) de Seine-Saint-Denis Gilbert Roger s’en souvient : « j’étais l’un des fidèles de Ségolène et elle était venue à Bondy où j’étais maire. On avait évoqué plusieurs choses comme la création de maisons des parents pour les aider à trouver les chemins de l’autorité parentale. J’avais parlé de l’encadrement miliaire pour les jeunes et Ségolène avait aussi retenue l’idée du drapeau. On peut dire qu’on était en avance sur notre temps ».

Au parti Les Républicains, on prend note d’un revirement au PS. « J’ai défendu à plusieurs reprises le drapeau tricolore dans l’hémicycle du Sénat ou ailleurs. Et j’ai le souvenir que la gauche me reprochait de courir après le FN parce que défendre les couleurs c’était par définition symbole de nationalisme excessif » se rappelle le sénateur de Paris Roger Karoutchi qui a « un petit problème » avec la proposition de François Hollande. «  Autant pavoiser lors du 14 juillet c’est une chose autant pavoiser demain pour une cérémonie finalement funéraire qui est un drame pour les Français… Je ne sais pas si l’on doit pavoiser pour ça… Ou alors il faut mettre le drapeau en berne, mais c’est un peu compliqué pour les particuliers. Et je n’ose croire qu’un président de la République plutôt bas dans les sondages se drape dans le drapeau pour avoir un petit plus »

La sénatrice (EELV) Esther Benbassa ne goûte elle que très peu ce retour aux couleurs. « Je suis un peu étonnée qu’un président de gauche s’approprie un patriotisme qui n’en est pas un. C’est dans le goût du FN qui sans arrêt met en avant les valeurs patriotiques. Nous sommes tous des patriotes mais on n’a pas besoin de mettre des drapeaux. Ce n’est pas ça qui va régler le problème du terrorisme ».

En 2007 en réaction aux propos de Ségolène Royal, la secrétaire nationale du Parti communiste Marie-Georges Buffet, avait jugé que le drapeau et la Marseillaise appartenaient au peuple et qu’il ne fallait pas se les disputer « comme des bouts de chiffons ». Ce jeudi, la sénatrice communiste de Meurthe-et-Moselle, Evelyne Didier prolonge en quelque sorte cette idée. « Je crois que les Français sont assez grands pour savoir s’ils veulent le faire ou non. Certaines personnes le font bien pour des matchs de foot, elles peuvent le faire pour cette occasion là. Je vois aussi que le Président Hollande suit les troupes car en réalité les gens le font déjà dans différents lieux. Il ne fait qu’accompagner le mouvement. Il faut que ce soit les Français s’emparent du sujet ».

Et François Hollande a de toute façon pensé à tout. Pour ceux qui n’en ont pas à la maison, un drapeau est téléchargeable sur le site Internet du Gouvernement. Il y est aussi proposé un selfie aux couleurs bleu blanc rouge pour une publication sur les réseaux sociaux avec le hashtag #fiersdelafrance.

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