par AFP.
« Le délit de racolage, que le Sénat s’apprête à abroger jeudi, a entraîné une plus grande précarité des prostituées, régulièrement arrêtées «même quand on n’a pas racolé», disent-elles en dénonçant «abus» et «harcèlements» policiers , alors que peu d’entre elles sont au final condamnées.
Dans le Lotus bus, de Médecins du Monde, qui circule trois soirs par semaine, à Belleville, Strasbourg-Saint-Denis et Porte de Choisy, et où elle vient régulièrement se fournir en préservatifs et discuter avec les bénévoles, cette ancienne vendeuse raconte, avec l’aide d’interprètes, qu’elle est arrivée en France il y a 5 ans, sans papier, et qu’elle se prostitue «pour manger, pour dormir» et rembourser les 16.000 euros qu’elle a dépensés pour venir.
Xiali n’a pas de proxénète, mais elle mime à grands gestes les clients qui la «tapent», «qui veulent «faire l’amour» mais refusent de payer ou de mettre un préservatif. Face à ces violences, elle n’a jamais porté plainte, car elle a «très peur» des policiers, qui l’on arrêtée «40 fois en six mois».
Pourtant, dit-elle, «c’est les clients qui nous abordent». «Jamais on ne va vers eux, jamais on ne fait de signe», insiste-t-elle, mais «la police m’arrête parce qu’elle me connaît».
Pour y échapper, les prostituées se cachent et prennent moins de temps à négocier avec le client, raconte Tim Leicester, responsable du «Lotus bus». Outre la violence, les prostituées souffrent de somatisation, liée au stress d’être arrêtées», ajoute Ai Anh Votran, médecin bénévole.
Simple rappel à la loi
Car la garde à vue se passe souvent dans des conditions «attentoires à la dignité humaine», a récemment déclaré un collectif regroupant le Syndicat de la magistrature (SM), le syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l’Homme.
Après 24 heures, les prostituées sont soit remises en liberté, soit déférées au parquet, avec placement au dépôt, un autre «traumatisme» qui débouche le plus souvent sur un simple rappel à la loi, ajoute le collectif. «Très rarement renvoyés devant le tribunal correctionnel», elles écopent dans ce cas «d’une amende avec sursis».
Au bois de Boulogne, les prostituées se sont organisées depuis un an en collectif face à des «arrestations pour racolage journalières» et «à outrance, pour des personnes qui n’avaient pas commis de délit», raconte Corinne, la porte-parole du collectif.
Alors que plusieurs ont fait le choix de travailler dans un véhicule, pour «être moins visibles» et ne pas risquer d’être poursuivies pour racolage, «elles se font arrêter quand le client sort de la voiture, alors qu’il était monté sans sollicitation», explique-t-elle, dénonçant un «amalgame» entre le racolage, qui est un délit, et la prostitution, qui n’est pas illégale.
Josiane, qui exerce au bois de Vincennes, souligne que les policiers font parfois pression sur le client pour témoigner du racolage. «Si le type est marié et qu’il a des enfants, il va témoigner pour se protéger, même si c’est pas vrai».
«Mais au final, ça n’a strictement rien apporté», dit-elle. «Les filles des réseaux sont toujours là, elles sont plus cachées, on en trouve même dans les petites chemins de campagne. Et quand elles sont arrêtées, de la nouvelle chair fraîche arrive», déclare-t-elle.
Selon elle, les policiers ont déjà «trouvé une autre méthode de harcèlement: le PV pour stationnement interdit, qui rapporte plus à l’Etat».
Selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, 2.473 procédures de racolage ont été établies par la police ou les gendarmes en 2011. Selon le Ministère de la Justice, en région parisienne, le nombre d’affaires passibles de poursuite pour racolage était de 815 en 2011», affirme la sénatrice Esther Benbassa, à l’origine de la proposition de loi visant à abroger ce délit. »
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