Le cannabis, un business avant tout ?

Faut-il légaliser le cannabis ? Au Colorado et plus récemment au Canada cette drogue est désormais en vente libre. Un marché très lucratif, qui intéresse particulièrement tabatiers et alcooliers. En France où toute utilisation, qu’elle soit récréative ou thérapeutique, reste interdite, près d’un million de personnes en consomment régulièrement. Faut-il revoir notre législation ? Quels sont les risques d’une légalisation de la vente de cette drogue « douce », un monde en docs ouvre le débat.

Au pays de l’oncle Sam, de nombreux états ont dépénalisé, voire légalisé, la consommation de cannabis. Un business juteux aux États-Unis, qui a permis de redynamiser l’économie de petites villes du pays en créant de nombreux emplois. En France, près de 46 % des Français se disent favorables à cette légalisation selon une enquête de L’observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), réalisée fin 2018. Si les Français y sont de plus en plus favorables, les risques liés à la consommation de cannabis restent absents du débat, explique Valérie Saintoyant, déléguée à la Mildeca : « Ce qui est mis en avant, c’est l’enjeu financier, l’enjeu industriel. Ce qui est passé sous silence, c’est l’enjeu de santé publique que représente ce débat autour du cannabis ».

La légalisation du cannabis thérapeutique, un cheval de Troie ?

« Le cannabis, c’est avant tout un business » explique Jean-Claude Alvarez, chef de service de Pharmacologie-Toxicologie du CHU de Garches. Pour ce spécialiste des produits stupéfiants et dopants, le débat autour de la légalisation du cannabis thérapeutique entraîne automatiquement, un débat sur la dépénalisation, voire la légalisation du cannabis récréatif : « (ce débat) C’est un cheval de Troie. (…) Quand on parle de cannabis thérapeutique, on fait passer des messages, notamment à nos jeunes, comme quoi le cannabis ne serait qu’un médicament. »

Pour la sénatrice écologiste, Esther Benbassa, le débat autour du cannabis est avant tout une question de santé publique : « Le problème pour moi, ce n’est pas l’argent que rapporte le cannabis à l’économie alternative. (…) Notre objectif aujourd’hui, c’est la santé publique. Le cannabis thérapeutique est autorisé dans de nombreux états aux États-Unis. Cette autorisation, elle n’a pas été délivrée que pour le business. Elle a été délivrée aussi dans le cadre de l’écoute des malades. Nous aussi en France, nous avons des milliers de gens qui souffrent de maladies comme la sclérose en plaques, de cancers, etc … ». La sénatrice, qui en 2014, avait déposé une proposition de loi visant à légaliser la vente de cannabis, estime ainsi que le cannabis thérapeutique pourrait venir soulager les douleurs de ces patients.

Des effets thérapeutiques encore peu connus

Alors que le caractère thérapeutique du cannabis est de plus en plus avancé par les personnes favorables à sa légalisation, Nathalie Saintoyant préfère prendre du recul : « Il faut avoir en tête aussi que les effets du cannabis sont encore mal documentés, notamment ses effets thérapeutiques. (…) Il ne faut pas oublier que le cannabis altère le fonctionnement du cerveau, en particulier quand le cerveau est en développement – ce qui est le cas jusqu’à 25 ans. Il peut aussi créer des troubles anxieux ou encore des troubles psychotiques. On ne parle pas ici d’idéologie, on parle de connaissances scientifiques disponibles sur le cannabis. »

De son côté, Jean-Claude Alvarez remet en question cet aspect thérapeutique, attribué au cannabis : « Aujourd’hui, on a aucune preuve, aucune connaissance sur le cannabis thérapeutique. Par exemple : Quelle est la bonne substance à utiliser ? Quelle est la bonne dose à utiliser ? » Si ces questions restent sans réponses pour l’instant, la sénatrice Esther Benbassa reste convaincue que la légalisation du cannabis thérapeutique en France reste possible, notamment grâce à l’évolution des mœurs au sein de la population française et européenne : « Pour moi, en tant que politique, la porte à la légalisation est ouverte, mais ça prendra un peu de temps » juge-t-elle.

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