Communiqué de Presse
Paris, 21 juillet 2014
Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val-de-Marne, rappelle que l’antisémitisme n’est pas une solution au conflit israélo-palestinien
Esther Benbassa déplore les incidents survenus, le 13 juillet, aux abords de la synagogue de la rue de la Roquette à Paris, ainsi que ceux qui ont ponctué, le 19 juillet, la manifestation pro-palestinienne qui, quoique interdite, s’est tenue dans le quartier parisien de Barbès. Elle condamne les actes de violence et de vandalisme à connotation antisémite dont Sarcelles a été le théâtre le 20 juillet dans le sillage d’un rassemblement pro-palestinien, lui aussi interdit.
Esther Benbassa partage l’insupportable sentiment d’impuissance de tant de nos compatriotes devant ce qui se passe à Gaza. Elle est comme eux profondément révoltée par la mort de centaines de Palestiniens tombés sous les bombardements israéliens, au nombre desquels tant de femmes et d’enfants innocents, ainsi que par les dégâts innombrables dont la bande de Gaza est victime. Elle a aussi une pensée compatissante pour les familles des soldats israéliens tués dans les combats d’une guerre vaine ainsi que pour les habitants d’Israël, simples civils, sans cesse idéologiquement travaillés, et vivant quotidiennement dans l’angoisse des roquettes envoyées par le Hamas dans leur direction.
Toutes les souffrances infligées par ce conflit impitoyable aux civils des deux bords méritent notre respect et notre empathie. Toute comparaison simpliste, en ces matières, n’en est pas moins à éviter. Les moyens militaires mis en œuvre par les belligérants ne sont ni de même nature ni de même niveau. Les dégâts « collatéraux » qui résultent de leur usage ne sont évidemment pas de la même ampleur. Et rien ne saurait faire oublier que sont ici en présence d’un côté une enclave soumise à un dur blocus, et de l’autre un Etat doté d’une armée puissante.
Aussi bien la population israélienne que les Gazaouis, cependant, se trouvent pris en tenaille par leurs ultras respectifs. D’un côté, les uns exercent leur pression sur un Netanyahou soucieux de ne pas malmener leur rêve de « Grand Israel ». De l’autre, c’est le Hamas qui tient les Gazaouis en otage. Sans oublier bien sûr les intérêts politiques internes qui, d’un côté comme de l’autre, animent l’action des va-t-en-guerre.
Les priorités sont claires. Il faut demander dans l’immédiat un cessez-le-feu, puis exiger sans délai des négociations entre Israéliens et Palestiniens pour la création d’un Etat palestinien viable et indépendant, au côté de l’Etat d’Israël, dont la sécurité doit être garantie. Dans l’enclenchement et l’aboutissement d’un tel processus, les Etats-Unis et l’Europe doivent enfin mettre tout leur poids, sans faiblesse et sans arrière-pensées. A plus long terme, il conviendra de travailler à la constitution d’une confédération, sur le modèle de l’Union européenne.
Les pionniers bâtisseurs d’Israël, s’ils furent bien animés d’un idéal national, ne rêvaient pas d’un Grand Israël messianique, mais d’abord d’un pays pour accueillir les Juifs en butte à l’antisémitisme et aux pogromes. L’occupation des territoires palestiniens par Israël depuis 1967 et ses dramatiques retombées bafouent depuis des décennies l’éthique juive ancestrale, en mettant en porte à faux avec leurs principes aussi bien les Juifs de diaspora que les Juifs d’Israël.
Quant au danger qui nous menace ici, il est clair : il serait de transformer le conflit de nature politique qui fait rage là-bas en un conflit religieux ou intercommunautaire en France, un pays où le vivre-ensemble est si fragile. Il est parfaitement légitime de manifester pour exprimer ses opinions. Les slogans antisémites, le saccage des magasins juifs, les attaques de synagogues ne relèvent en revanche en aucun cas de la liberté d’expression. Les provocations des membres de la Ligue juive de défense et du Betar, émanation du Likoud, doivent être surveillées et empêchées par les instances communautaires juives. Un encadrement strict par l’Etat et les organisateurs des manifestations pro-palestiniennes est de même une nécessité.
En ces heures d’emballement et d’inquiétude de chaque côté, appelons à la raison et à la retenue pour éviter les amalgames et les dérives. Dans d’autres pays européens, les manifestations pro-palestiniennes n’ont pas pris pareille tournure. Réfléchissons aux rancoeurs qui travaillent nombre de nos concitoyens pour analyser ces débordements et les prévenir.
Nous vivons dans un pays démocratique, respectons-en les principes. La guerre n’est pas en France.