« Après l’Assemblée au début du mois, le Sénat a adopté, mardi soir, le texte qui avalise l’interception massive des «communications électroniques» au-delà des frontières.
Dès sa présentation, à l’hiver dernier, le projet de loi sur le renseignement avait mobilisé un vaste spectre d’opposants, des associations de défense des libertés aux hébergeurs Internet, en passant par le Défenseur des droits ou le Conseil national du numérique. Puis provoqué de vifs débats au Parlement avant son adoption, certes à une large majorité. Le parcours de la proposition de loi sur la «surveillance des communications électroniques internationales» se poursuit, lui, dans une indifférence quasi générale. Si la surveillance de citoyens français sur le territoire national reste – fort heureusement – une affaire sensible, il n’en va pas de même pour l’espionnage du reste du monde.
Le 1er octobre, le texte avait été voté dans une Assemblée nationale quasi vide (huit députés présents) après tout juste deux heures de discussion. Mardi soir, les sénateurs, un peu plus nombreux – une petite trentaine, estime l’écologiste Esther Benbassa –, en ont débattu un quart d’heure de plus. Avant de donner à leur tour, un peu avant minuit, leur aval à des mécanismes de surveillance massive des communications. Seuls les groupes écologiste et communiste ont appelé à s’y opposer. […]
Que contient la proposition de loi ?
Le texte traite des communications «émises ou reçues à l’étranger». En sont exclues les communications entre deux identifiants (numéros de téléphone, adresses IP, numéros stockés dans les cartes SIM)«rattachables au territoire national», considérées comme «franco-françaises» même si l’un des correspondants se trouve à l’étranger. Interceptées par la DGSE, elles doivent être «instantanément détruites»… sauf si une personne utilisant à l’étranger un identifiant français faisait déjà l’objet d’écoutes en France, ou si elle menace les«intérêts fondamentaux de la Nation» définis par la loi renseignement – de la prévention du terrorisme aux «intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs» de la France.
Les communications «mixtes», elles, sont conservées et soumises au régime «franco-français», mais sans avis préalable de la CNCTR, et avec un délai de conservation plus long pour le contenu des correspondances. Quant aux communications qui ne sont pas du tout «rattachables au territoire national», les délais sont clairement allongés, qu’il s’agisse du contenu ou des données de connexion (qui communique avec qui, quand, où…). Ces questions de périmètre n’ont pas manqué d’interroger quelques parlementaires : ainsi le sénateur PS Jean-Yves Leconte relevait-il, le 21 octobre, qu’«un Français peut avoir des identifiants étrangers, et des étrangers des identifiants français». Et l’écologiste Esther Benbassa s’est alarmée mardi soir du sort des communications qui «passent par l’étranger, via Google, Skype, […] que nous utilisons quotidiennement».
D’autant que le caractère massif de cette surveillance ne fait aucun doute. Les autorisations d’interceptions portent sur des «systèmes de communication» entiers – ou des «réseaux de communications électroniques», dans la version du Sénat. Les données recueillies peuvent faire l’objet de «traitements automatisés» pour détecter les signaux faibles : l’équivalent à l’international des «boîtes noires», pour des finalités qui, cette fois, ne se limitent plus à la lutte antiterroriste. Elles peuvent aussi être utilisées pour surveiller des «personnes» ou «groupes de personnes», des «organisations» et même des «zones géographiques». Le tout assorti d’un contrôle allégé, puisque la CNCTR n’intervient qu’a posteriori. Selon l’Obs, le fameux décret secret de 2008 prévoyait, lui, que la CNCIS, le précédent gendarme des écoutes, soit consultée en amont «pays par pays» – elle pouvait même, précisait l’hebdomadaire, «limiter le champ des interceptions à certains thèmes, tels le terrorisme, la prolifération nucléaire ou les grands contrats». […]
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