La réforme pénale a été adoptée définitivement (Public Sénat, 17 juillet 2014)

Le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive a été adopté aujourd’hui par le Parlement, à l’issue de la commission mixte paritaire. Suppression des peines plancher, adoption de la contrainte pénale : analyse d’un long compromis.

« Ma gratitude est personnelle, politique, mais elle est aussi démocratique et civique », a déclaré Christiane Taubira ce matin, lors de la séance du Sénat. La garde des Sceaux ne cache pas son soulagement suite à l’adoption de la réforme pénale par le Parlement. Le 9 octobre 2013, le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines faisait son entrée en Conseil des ministres. Dès lors, c’est un véritable bras de fer qui s’était engagé entre la ministre de la Justice et Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Criant au laxisme, la droite avait d’ores et déjà annoncé son opposition totale à la réforme pénale engagée par Christiane Taubira.

Parmi les principaux objectifs de la réforme visant à lutter contre la délinquance, la volonté de rompre avec le tout-carcéral est particulièrement mise en avant. La surpopulation des prisons françaises est une réalité que personne ne réfute, d’où l’importance de lutter contre le récidivisme. Pour cela, la réforme prévoit une meilleure individualisation des peines, ainsi que l’aménagement des celles-ci en fonctions des crimes commis. La mesure phare de la réforme vise notamment à mettre en place une peine alternative à la prison pour certains délits : la contrainte pénale. Améliorer la réinsertion des détenus tout en diminuant la densification carcérale, tel est l’objectif de la réforme, loin de faire l’unanimité auprès des parlementaires.

Après de riches débats entretenus entre les députés et le gouvernement, le texte a finalement été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, le 10 juin dernier. Arrivé au Sénat à la fin du mois, certains désaccords étaient apparus entre les deux Chambres. Pour remédier à cette situation, une commission mixte paritaire s’est finalement réunie le 8 juillet dernier afin de trouver un compromis satisfaisant… Ce qui était loin d’être gagné.

Lors de son passage par la haute assemblée, certains sénateurs se sont emparés du texte, désireux d’aller plus loin dans la mise en place de la réforme. Jean Pierre Michel, sénateur socialiste  et rapporteur du texte, a notamment souhaité généraliser la contrainte pénale à d’autres types de délits. Le sénateur de la de la Haute-Saône s’est finalement vu contraint de renoncer à ces propositions, refusées en commission. « Personne n’a mangé son chapeau et personnellement, je ne porte pas de couvre-chef », ironise le sénateur socialiste. Interrogé par Public Sénat dans la matinée, Jean Pierre Michel s’est dit optimiste : « C’est un bon texte, nous sommes arrivés à un bon accord entre l’Assemblée et le Sénat », a-t-il salué. Christiane Taubira de reconnaitre les améliorations qui ont été apportées, notamment concernant les sorties de prison sèches. La mise en application de la contrainte pénale fera quant à elle « l’objet d’un suivi  très serré »

Certaines mesures ont quant à elles été abandonnées, à commencer par la réduction de peine pour les récidivistes, la suppression de la rétention de sûreté et celle des tribunaux correctionnels pour mineurs, au regret des écologistes, fervents défenseurs de cette mesure.

Jean René Lecerf : « Je me réjouis que le Sénat ait joué son rôle »

Après l’échec de la réforme territoriale repoussée au Sénat, les élus de la haute assemblée ont affirmé leur satisfaction vis-à-vis du compromis trouvé entre les deux Chambres. « A force de rester sur la touche, on finira par se demander quelle est l’utilité du bicamérisme en France », a déclaré en ce sens le sénateur UMP Jean René Lecerf. Interrogé par Public Sénat à l’issue de la séance, l’un des seuls parlementaires UMP favorable à la réforme, s’est félicité du rôle productif joué par le Sénat, tout en appelant le gouvernement à « déployer les moyens nécessaires » pour mettre en œuvre la réforme, notamment en ce qui concerne le personnel d’insertion et de probation.

Au centre, l’adoption du projet de loi est vécue comme le prolongement des premières réformes engagées depuis 2009 vers un meilleur aménagement des peines. « Le pas franchi est prudent mais il est sûr », affirme un sénateur UDI, qui attend toutefois des améliorations concernant l’état actuel des parcs pénitentiaires.

Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val de Marne, a témoigné sa pleine satisfaction vis-à-vis du projet de loi : « c’est un véritable texte de gauche », s’est-elle exclamée. La sénatrice a tout de même regretté le report à 2015 de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, promesse de campagne de François Hollande.

Chez les communistes, le texte est également accueilli sans accrocs. « Nous approuvons ce texte qui est pour nous un texte progressif », a déclaré Eliane Assassi, présidente du groupe communiste au Sénat. Lors de la séance, la sénatrice de Seine Saint Denis a réagi aux propos tenus plus tôt par Jean Marie Le Guen. Le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement jugeait « un peu bizarre que les communistes aient toujours vocation à voter contre les textes ». Manifestement affectée par de telles déclarations, Eliane Assasi s’est confiée au micro de Public Sénat, dénonçant « les propos injurieux à l’égard de [son] groupe pour justifier l’injustifiable et dire n’importe quoi ».

Rétablir un climat de confiance autour de la Justice

A l’issue du vote, Christiane Taubira s’est dit comblée par « un sentiment de responsabilité épanoui ». Ces temps-ci, l’institution judiciaire a connu des temps mouvementés, au point parfois de voir son impartialité remise en cause. La garde des Sceaux en profite pour mettre en garde les commentateurs des décisions de justice : « ils jouent un jeu dangereux », déclare-t-elle. Face aux critiques qui la visent, Christiane Taubira de conclure, « Les autres peuvent s’amuser, s’énerver, s’exciter… C’est leur affaire, ils ne m’atteignent pas ». Ce que craint désormais Christiane Taubira, c’est la saisine du Conseil Constitutionnel, annoncée par l’UMP.

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