Le 28 mars 2014, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a condamné la France pour violation de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), considérant qu’elle ne respecte pas le principe de liberté de circulation en imposant aux « Gens du voyage » de faire viser régulièrement leur titre de circulation auprès des forces de l’ordre, sous peine de contravention.
Rappelons les faits : en 2004, lors d’un contrôle routier, M. Claude Ory présente aux gendarmes ses papiers : ils comportent, en lieu et place de l’adresse, la mention d’un carnet de circulation et d’une commune de rattachement. Ainsi identifié comme faisant partie des « Gens du voyage », il lui est demandé par les gendarmes de présenter immédiatement son titre de circulation comme le prévoit la loi du 3 janvier 1969. Ayant omis de le faire « tamponner » par les forces de l’ordre depuis environ six mois, il se retrouve en infraction pour « défaut de visa » entraînant quatre condamnations successives par la justice française.
Suite à une requête introduite en 2010 auprès de l’ONU par ce « voyageur » français, accompagné par le pôle juridique de la Fnasat-Gens du voyage, le Comité des droits de l’homme de l’ONU conclut que la France « n’a pas démontré que la nécessité de faire viser le carnet de circulation à intervalles rapprochés, ainsi que d’assortir le non-respect de cette obligation de contraventions pénales sont des mesures nécessaires et proportionnelles au résultat escompté. » Dans un complément, l’expert argentin du comité regrette que ce dernier n’ait pas étudié « deux questions fondamentales […] l’égalité devant la loi et le principe de non-discrimination ».
En conséquence, il est demandé à la France :
– l’effacement du casier judiciaire de M. Ory et son indemnisation,
– la révision de la loi de 1969, de son application et d’empêcher que cela ne se reproduise,
– d’informer le Comité dans un délai de six mois des mesures prises pour remédier à ces constats,
– de rendre publique cette décision.
Cette condamnation contredit l’avis du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012, qui avait considéré « que l’atteinte portée à la liberté d’aller et venir qui en résulte est justifiée par la nécessité de protéger l’ordre public [et] est proportionnée à cet objectif. »
En fixant un délai de six mois à la France pour rectifier cette violation de la liberté de circuler, l’ONU s’invite dans le calendrier législatif puisqu’une proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale le 5 décembre 2013 par le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), comporte une mesure d’abrogation de tous les titres de circulation, véritables « passeports à l’intérieur » pour les populations résidant en abri mobile en France. Au Sénat, une proposition de loi de Madame Ester Benbassa visant cette même abrogation, a été déposée en juin 2012 sans que sa discussion ne soit programmée.
La promesse française d’égalité aurait mérité que le Gouvernement se saisisse lui-même de cette législation d’exception discriminatoire, plutôt que de s’en remettre à une initiative parlementaire après un nouveau désaveu par une instance internationale.