La bataille sur la prostitution est lancée (Le Monde, 28 mars 2012)

Par Gaëlle Dupont

Nantes

Elles éclatent de rire à tout bout de champ, les deux sœurs Ana et Maria. Maquillage bleu électrique sur les yeux et rose sur les joues, vêtements moulants, talons vertigineux, elles sont au travail, sous leur Abribus au bord de la Loire, à Nantes. Il est minuit passé et seule Ana a eu un client. Mauvaise nuit, mauvaise période – la crise a les mêmes effets sur le trottoir qu’ailleurs. Maria, 27ans, est arrivée de Roumanie la première, il y a quatre ans. Une amie lui avait dit qu’elle pourrait gagner « beaucoup d’argent » en se prostituant. Mais avec deux enfants et un mari à charge, elle a du mal à s’en sortir.

Ana, 30 ans, l’a rejointe un an après. « Je veux juste vivre mieux », dit-elle dans un Français débutant. L’argent ne coule pas à flots pourtant, et ce n’est pas un travail simple. « C’est difficile de se déshabiller pour de l’argent, raconte Ana. Ça me tape sur les nerfs. Je suis amoureuse de quelqu’un d’autre, vous voyez? C’est dur.Alors je pense à l’argent. » Des larmes se mettent brutalement à couler quand les deux sœurs évoquent leur mère en Roumanie, qui ignore comment ses filles gagnent leur vie.

C’est jeudi soir. De 22 heures à 3 heures du matin, un bus de Médecins du monde s’arrête à chaque Abribus, à chaque rond-point, pour ne rater personne. Vestiges d’une récente manifestation à Paris, le bus est bardé de slogans en faveur de l’abrogation du délit de racolage passif, comme le propose la sénatrice (EELV) Esther Benbassa dans un texte débattu au Sénat jeudi 28 mars.

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