Le groupe Michelin a provoqué l’émoi mercredi en présentant un « plan de compétitivité » qui prévoit de supprimer jusqu’à 2 300 postes en France sur trois ans, sans départs contraints.
Quelques mois après l’annonce de la fermeture de l’usine Bridgestone de Béthune et malgré de bons résultats, le pneumaticien français a annoncé une nouvelle coupe qui touchera tous ses sites en France, avec au total plus de 10 % des effectifs concernés sur les 21 000 employés du groupe dans le pays.
Le président de Michelin Florent Menegaux a précisé qu’il n’y aurait « pas de fermeture d’usine, aucun départ contraint. Nous anticipons environ 60% de mesures de préretraites et 40% de départs volontaires, dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives (RCC)».
De Clermont-Ferrand à Épinal en passant par Vannes et Troyes, cette nouvelle réorganisation concerne « tous les sites français », a précisé Florent Menegaux. « Michelin s’engage à recréer autant d’emplois qu’il y en aura de supprimés», a-t-il ajouté, via le développement de nouvelles activités en interne ou l’installation d’autres entreprises sur les territoires concernés.
À travers ce plan, le Bibendum vise « une amélioration de sa compétitivité pouvant aller jusqu’à 5% par an» pour les activités tertiaires et pour l’industrie, ce qui pourrait signifier « d’ici trois ans une réduction de postes pouvant aller jusqu’à 2300».
« Surprise et colère » des salariés
La crise du coronavirus a retardé l’annonce de cette nouvelle restructuration en préparation depuis 18 mois, mais ne l’a pas causée, souligne le président de Michelin. Le groupe souhaite ouvrir « rapidement» des négociations avec les syndicats autour d’un « accord-cadre d’une durée de 3ans ».
Les salariés sont partagés entre « la surprise et la colère », selon José Tarantini de la CFE-CGC. « Nous attendions des réponses de la direction depuis fin octobre sur un projet concernant le tertiaire et nous avons là un projet beaucoup plus vaste et ambitieux qui concerne également le côté industriel, avec un chiffre impressionnant de suppressions d’emplois», a réagi le syndicaliste.
Pour Jean-Paul Cognet, de la CGT, « il y aura des négociations mais c’est comme un plan de sauvegarde de l’emploi, sans licenciements. La première année il y aura des volontaires mais après on connaît la méthode Michelin pour en fabriquer: ce seront des volontaires par dépit».
« Avec les représentants du personnel nous serons particulièrement vigilants à ce que Michelin respecte ses engagements», a indiqué pour sa part la ministre déléguée chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.
Plusieurs personnalités politiques ont aussi réagi sur Twitter. « Ce n’est pas avec la #COVID19 qu’on changera le système économique. Ce n’est que le début des mauvaises nouvelles», a regretté la sénatrice écologiste Esther Benbassa. « L’État doit protéger notre industrie et les salariés face aux profiteurs de crise», s’est offusqué de son côté le député LFI Adrien Quatennens.
À droite, le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan a appelé à protéger « nos emplois pour éviter un futur désert industriel!».
Michelin avait déjà effectué en 1999 une coupe historique de 7 500 postes.
Plus récemment, le groupe a supprimé près de 1 500 postes, notamment à son siège de Clermont-Ferrand (dans le Puy-de-Dôme) et aux États-Unis. Il a également fermé les sites de La Roche-sur-Yon (en Vendée) et Bamberg en Allemagne.
Le groupe va pourtant bien et prévoit des résultats positifs pour 2020 malgré la crise sanitaire. Le dividende distribué par action a été multiplié par trois depuis 2009.
« Nous avons toujours distribué environ 35% de notre résultat», explique Florent Menegaux. « Il y a quelques années, on ne faisait pas de résultats, donc on ne distribuait pas de dividendes. Nos actionnaires ont continué à nous suivre pendant ces années-là, il est normal qu’ils soient rétribués pour le risque qu’ils prennent».
En 2020, « Michelin aura distribué 360 millions de dividendes, et 6,4 milliards d’euros en frais de personnel, dont 1,2 milliard en France», souligne-t-il.
Le groupe est confronté depuis une dizaine d’années à « l’arrivée massive de produits à bas coûts» sur le marché mondial du pneu, souligne la direction de Michelin.
« Michelin n’abandonne pas la France» et « va réinvestir une partie des économies réalisées dans le développement de nouvelles activités», assure néanmoins Florent Menegaux.
Ses 15 sites industriels dans l’Hexagone se sont progressivement spécialisés dans les pneumatiques haut de gamme, agricoles, industriels, ou de compétition.
En parallèle, Michelin poursuit « sa stratégie de localisation en France de nouvelles activités à forte valeur ajoutée», comme la pile à hydrogène, l’impression 3D, les colles ou le recyclage des déchets plastiques. À horizon 2030, Michelin souhaite que 30 % de son chiffre d’affaires soit réalisé hors pneus.
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