Le ton monte au sein d’Europe Ecologie-les Verts après les déclarations de l’élu contre la procréation médicalement assistée.
«C’est dingue», s’étranglait hier un dirigeant écologiste. Mais c’est ainsi. José Bové n’est pas homme à taire ses convictions. La procréation médicalement assistée ? Il la combat. «Je suis radicalement opposé à toute instrumentalisation du vivant», dit-il. Même en campagne – il est tête de liste Europe Ecologie-les Verts dans le Sud-Ouest et candidat à la présidence de la commission européenne – le leader paysan répond franchement aux questions. Invité mercredi de l’émission Face aux chrétiens en partenariat avec la Croix, KTO, Bové parle pendant une heure d’écologie. «Comme on avait fini sur les OGM, ils m’ont demandé ce que je pensais de la PMA.» Patatras.
Au micro des cathos, Bové se dit «contre toute manipulation sur le vivant, que ce soit pour des couples homos ou hétéros». «Je pense qu’à un moment, le droit à la vie et le droit à l’enfant sont deux choses différentes. Je ne crois pas que le droit à l’enfant soit un droit. Je vais me faire plein d’ennemis», balance-t-il. Bien vu. Pont du 1er mai et prudence électorale oblige, la polémique est pour l’heure restée circonscrite aux réseaux sociaux. La sénatrice EE-LV Esther Benbassa, qui s’apprête à déposer le 7 mai avec son collègue député Sergio Coronado une proposition de loi sur l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, est tombée de sa chaise. «José Bové confond PMA et OGM et s’oppose à toute PMA (y compris légale). Un nouvel adhérent à la Manif pour tous», s’étrangle-t-elle. Un tweet instantanément retweeté par Jean-Vincent Placé, le patron du groupe EE-LV au Sénat.«Cohérence».«Les tweets, c’est du grand n’importe quoi. Ça devient les nouveaux chiens de garde, les nouveaux censeurs. La pensée politique ne se réduit pas à 140 signes», dénonçait hier Bové. Sa position se veut plus prudente et mesurée. Et n’est pas nouvelle. «A partir du moment où je conteste les manipulations génétiques sur le végétal et sur l’animal, il serait curieux que, sur l’humain, je ne sois pas dans la même cohérence», rappelle-t-il. Ancien disciple de Jacques Ellul, penseur chrétien pourfendeur du «système technicien», Bové invoque le principe de précaution contre le «risque d’eugénisme lié la PMA».«A partir du moment où la technologie peut tout faire – choisir le sexe de l’enfant, la couleur de ses yeux -, est-ce qu’on le fait ? Ou on se pose la question éthique avant ?» Bové dit avoir échangé sur cette question avec Jacques Testard, le biologiste qui a contribué à la naissance d’Amandine, le premier bébé-éprouvette, en 1981, avec le généticien René Frydman. «A l’époque, l’Inserm avait fait appel à lui car il était le meilleur pour sélectionner les vaches laitières afin qu’elles produisent plus de lait», raconte Bové. Qui se méfie de «l’emballement technologique». Et se mélange un peu les pinceaux : sous le terme générique de PMA, la plupart des fécondations in vitro qui se font avec le sperme et l’ovule des donneurs ne comportent aucune manipulation génétique. Bové sait bien que Testard n’est pas contre la PMA en soi mais contre certaines de ses pratiques où l’on modifie les gamètes.
«Libertés». Esther Benbassa ? Il ne l’a pas appelée. «Il n’y a pas de pensée unique dans l’écologie. On n’est pas forcé d’être dans le trip technicien reproductif», balance-t-il à l’attention de sa camarade. «Attention à ne pas tomber dans des théories naturistes pas très nettes. A trop suivre la nature on finit par vivre avec des animaux dans une ferme du Larzac», réplique la sénatrice. «Les êtres humains et les animaux n’ont pas à être comparés. Que je sache, les vaches n’ont pas demandé la liberté de féconder. Je respecte les droits des animaux mais Bové doit respecter les libertés individuelles, tonne-t-elle. Nous sommes tous contre l’eugénisme, personne n’a demandé qu’on fasse des enfants avec le sperme de grands sportifs !» Et Benbassa de rappeler que la proposition de loi EE-LV comporte la création d’un «conseil composé de savants, religieux et libre penseurs pour veiller sur l’éthique de ces procédures». Une chose est sûre, à trois semaines des européennes, les écologistes se seraient passés de cette polémique «Ces propos peuvent être très mal vécus par notre électorat, regrette la sénatrice. Si on nous compare à la Manif pour tous, ce n’est pas 9% mais 3% qu’on va faire !»
Par Matthieu Écoiffier.