Intervention en séance lors de la discussion générale sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (2 mars 2016)

PPL n° 382:

relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

(Procédure accélérée)

Discussion générale

Mercredi 2 mars 2016

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la commission des lois,

Monsieur le rapporteur,

Monsieur le rapporteur pour avis,

Mes ChèrEs collègues,

 

Un peu plus d’un mois après sa première lecture, nous sommes réunis aujourd’hui pour nous prononcer sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire (CMP).

 

Considérant que, si certaines dispositions étaient probablement de nature à rendre les transports plus sûrs pour tous et à lutter contre la fraude, d’autres semblaient faire peser une menace relativement importante sur nos libertés individuelles, le groupe écologiste s’était abstenu.

Je voudrai tout d’abord souligner la rapidité avec laquelle cette proposition de loi a été examinée. Déposée en octobre 2015, elle devrait être adoptée aujourd’hui, soit moins de cinq mois après son dépôt. Cette célérité, concernant en l’occurrence d’un texte d’origine parlementaire, montre que quand la volonté est là, le passage des paroles aux actes peut se faire sans attendre.

Nous souhaitons que d’autres textes, de grande importance pour nos concitoyens, bénéficient de ce même engagement. Pour revenir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, je souhaiterai d’abord dire quelques mots de l’article 14 qui a fait couler beaucoup d’encre.

Celui-ci, introduit à l’initiative de notre collègue députée Marie Le Vern, a pour objet de compléter deux articles du code des transports, afin de rendre plus effective la lutte contre le harcèlement et les violences à caractère sexiste.

Usant d’arguments pour le moins alambiqués, dont le fait que le délit de harcèlement sexuel prévu à l’article 222-33 du code pénal, déjà existant, suffirait à réprimer le harcèlement et la violence dont sont victimes les femmes dans les transports, la commission du Sénat a décidé de le supprimer.

Et ce à l’heure où le ministère des droits des femmes lançait la campagne #HarcèlementAgissons ;

A l’heure également où une étude du Haut Conseil à l’Égalité entre les Hommes et les Femmes, rappelait que  « 100% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans l’espace public » ;

Comment comprendre la suppression d’une telle disposition et le message envoyé ainsi par notre Haute Assemblée  à nos concitoyens?

Comme l’a justement dit Marie Le Vern, évacuer purement et simplement les violences sexistes du texte contribue à renforcer l’invisibilité de ces actes et retarde encore un peu plus la prise de conscience.

La commission mixte paritaire a rétabli l’article 14, ceci est un motif de grande satisfaction pour le groupe écologiste.

Pour autant, cette avancée, si elle est notable, suffit-elle à modifier notre vote dans le sens d’un soutien au texte final de cette proposition de loi ?

La réponse est malheureusement négative. Des prérogatives coercitives relevant de missions de sécurité publique sont ici confiées à des agents privés de sécurité et nous considérons qu’elles ne sont pas assez strictement encadrées et ne garantissent pas  suffisamment les libertés individuelles.

Par exemple, le double agrément requis, pour les agents des transporteurs, de la surveillance générale (SUGE) pour la SNCF et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) pour la RATP, pour réaliser des palpations de sécurité, a été supprimé par la CMP.

Plus généralement, nous ne sommes pas à l’aise avec la surenchère législative qui est de mise aujourd’hui en la matière. On part d’un texte ayant pour objectif la répression des incivilités et des violences dans les transports ainsi que la lutte contre la fraude, et on aboutit à un texte sécuritaire à visée antiterroriste.

L’attentat manqué du Thalys est passé par là, les terribles attaques de novembre à Paris et Saint-Denis aussi. Je vous le concède. Mais on ne peut pour autant, sous un régime d’’état d’urgence et dans un contexte social particulièrement délétère, continuer à confondre les objectifs, ce qui reviendrait à sacrifier une fois de plus nos libertés individuelles

En conséquence et à regret, le groupe écologiste s’abstiendra sur le texte issu des travaux de la CMP.

Je vous remercie.