Intervention en séance lors de la discussion générale sur la PPL relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. (28 janvier 2016)

PPL n° 316:

relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

(Procédure accélérée)

Discussion générale

Mercredi 27 janvier 2016

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président de la commission des lois,

Monsieur le rapporteur,

Monsieur le rapporteur pour avis,

Mes ChèrEs collègues,

 

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi socialiste relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, adoptée le 17 décembre 2015 par l’Assemblée nationale.

Cette PPL, conçue début 2015, avait initialement pour objectif la répression des incivilités et des violences dans les transports ainsi que la lutte contre la fraude, phénomène qui prive la SNCF et la RATP de ressources estimées à près d’un demi-milliard d’euros chaque année.

Mais la tentative d’attentat du 21 août dernier dans le Thalys est venue rappeler que les transports collectifs sont aussi une cible des terroristes. Et si nous avons, ce jour-là, échappé au pire grâce au courage de quelques-uns, les attentats de Londres et de Madrid nous sont revenus en mémoire et la présente PPL a vu ses objectifs transformés.

De surcroît, son examen par l’Assemblée Nationale s’est fait à peine un mois après les sanglants attentats du 13 novembre dans un contexte où il était, peut-être plus que jamais, difficile de raison garder.

J’ai malheureusement eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle, je suis profondément convaincue que l’on ne peut légiférer de manière satisfaisante si l’on est guidé par la peur.

La peur est légitime, elle nous a tous saisis le 13 novembre mais elle ne peut être notre moteur. La lutte contre le terrorisme doit être menée sans relâche et nos concitoyens doivent pouvoir aller au travail et voyager dans le climat le plus serein possible mais, encore une fois, ce sont nos principes démocratiques, notre liberté qui sont les remparts les plus efficaces contre la terreur.

Gardant cela en mémoire, le texte de la PPL, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée Nationale, posait de nombreux problèmes.

Comme l’a fait remarquer le Défenseur des droits : « la confusion des objectifs ne rend pas toujours aisée la portée des dispositions du point de vue de leur proportionnalité ».

De surcroît, nous considérons, au groupe écologiste, que, si des prérogatives coercitives qui relèvent de missions de sécurité publique doivent être confiées à des agents privés de sécurité, elles doivent être strictement encadrées afin de garantir au maximum les libertés individuelles.

Je veux alors saluer ici le travail de notre rapporteur, M. Bonhomme et du rapporteur pour avis, M. Fouché qui ont largement amélioré le texte.

Ainsi, notre commission des lois a maintenu le principe d’un agrément et d’une habilitation spéciale des agents privés pour pouvoir procéder à des palpations de sécurité et a rétabli le principe d’une autorisation préalable du Procureur de la République pour permettre aux forces de l’ordre de fouiller les bagages d’une personne le refusant.

Autres avancées notables: la suppression de dispositions visant à pénaliser, entre autres,  le fait de signaler la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité ou la non-présentation d’un document d’identité par les fraudeurs.

Malgré ces améliorations, la question demeure, ces dispositions sont-elles à même de renforcer réellement la sécurité dans les transports ? Ne sont-elles pas au contraire une source d’exacerbation des tensions qui sont déjà très prégnantes dans les transports ?

La réponse ne me paraît pas évidente mes chèrEs collègues, certaines dispositions semblent faire peser une menace relativement lourde sur nos libertés individuelles, d’autres sont probablement de nature à rendre les transports plus sûrs pour tous et à lutter contre la fraude.

C’est finalement bien la confusion des objectifs de cette proposition de loi, soulignée par le Défenseur des droits, qui nous pose problème aujourd’hui.

Nous n’aurions pas pu soutenir le texte issu de l’Assemblée, celui élaboré par la commission est plus acceptable mais certaines questions restent en suspens et de nombreux amendements, certains pour le moins problématiques, ont été déposés.

Le vote final du groupe écologiste sera donc déterminé par l’issue des débats, débats que j’espère constructifs et pas caricaturaux.

Je vous remercie.