PPL n°432:
visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations
– Discussion générale –
mercredi 20 mai 2015
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Madame la secrétaire d’Etat,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Eliane ASSASSI visant à instaurer un moratoire sur l’utilisation et la commercialisation d’armes de catégorie B, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.
Parmi les armes de catégorie B, nous trouvons des armes dites « à létalité atténuée » ou « sub-létales », telles que les lanceurs de balle de défense (LBD) commercialisés notamment sous le nom de Flashball et les pistolets à impulsion électronique, souvent appelés Taser du nom de son principal fabricant.
Depuis plusieurs années, les écologistes souhaitent encadrer, voire interdire, toutes les formes d’utilisation de ces armes. Pour avoir déjà amorcé cette réflexion, je salue le travail des députés Noël MAMÈRE, Yves COCHET et François de RUGY et de notre ancienne collègue sénatrice Dominique VOYNET qui, en 2009 puis 2010 avaient déposé deux PPL similaires actuellement caduques.
Aujourd’hui, mes chèrEs collègues, nous nous réjouissons, au groupe écologiste, de pouvoir enfin débattre de ce sujet grave.
En effet, ces dernières années, de nombreux incidents ont mis en lumière la dangerosité des armes de catégorie B dont nos forces de police sont équipées depuis 2002 pour le Flashball et depuis 2006 pour le Taser. Il est temps que la représentation nationale se saisisse d’une problématique devenue récurrente.
Depuis que le flashball est utilisé dans la « dispersion » des manifestants, plus d’une dizaine de personnes ont été grièvement blessées à l’œil et ce malgré l’interdiction des tirs au-dessus de la ligne d’épaule. A Marseille, un homme est mort d’un arrêt cardiaque après avoir été touché au thorax.
La gravité des blessures occasionnées et des handicaps causés mettent ainsi en évidence un recours disproportionné à cet armement.
Compte tenu de l’imprécision des trajectoires des tirs et de la gravité comme de l’irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables qu’ils occasionnent, il convient, selon les termes du Défenseur des Droits de « proscrire ou limiter très strictement l’usage du Flash-Ball dans le cadre de manifestations ».
Plus généralement, leur commercialisation et leur usage doivent être suspendus afin de redéfinir les conditions d’utilisation par rapport aux spécificités de l’arme. En effet, plus les tirs sont rapprochés, plus ils sont dangereux, plus ils sont éloignés moins ils sont précis.
Il en est de même pour le pistolet à impulsions électriques (Taser). Utilisé en France depuis 2006 par la police nationale et la gendarmerie puis, en 2010, par la police municipale, les risques et les accidents liés à son utilisation sont nombreux. Le premier risque est celui d’une utilisation abusive. Le Comité contre la Torture des Nations unies (CAT) a rappelé en 2010 que «l’usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture ». L’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énonce pourtant que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Le deuxième risque est lié aux conséquences de l’usage de cette arme sur la santé des personnes. D’après les données recueillies par Amnesty International et énoncées dans un rapport publié en décembre 2008, (USA: » ‘Less than lethal’? The use of stun weapons in US law enforcement ») 334 personnes sont mortes aux États-Unis depuis 2001 après avoir reçu des décharges infligées par des pistolets paralysants (Tasers) au cours de leur arrestation ou en détention, un chiffre porté à 500 en 2012.
Au regard des risques liés à l’utilisation des armes de catégorie B, au manque de formation des agents et aux conséquences que peuvent entraîner l’emploi d’un tel armement, il convient non seulement de suspendre l’utilisation de ces armes dangereuses pour effectuer un état des lieux mais également de protéger le droit imprescriptible de manifester en interdisant l’utilisation de ces armes par la police et la gendarmerie nationale contre des attroupements et des manifestations.
Le décès tragique de Rémi Fraisse, venu manifester à Sivens, illustre tristement la disproportion des moyens parfois employés par nos forces de police (en l’occurrence, une grenade offensive) et nous oblige à prendre des mesures restrictives si ce n’est prohibitives.