PPL n° 443:
relative au parrainage civil
– Discussion générale –
Jeudi 21 mai 2015
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny relative au parrainage civil.
En France, le parrainage civil, aussi appelé baptême républicain, pourrait remonter au décret du 20 prairial, an II (8 juin 1794) portant sur la compétence des municipalités pour établir les actes d’état civil.
Nous nous trouvons alors en pleine période post révolutionnaire et l’idée qui se développe est de trouver un équivalent civil aux principales célébrations religieuses.
Rien de neutre dans ce nouveau « baptême », ce rite qui vise à faire entrer un enfant dans la communauté nationale, dans la communauté républicaine.
L’ambition clairement affichée est, pour citer Pierre-Brice Lebrun, de « soustraire la jeunesse à l’influence néfaste des religions déistes qui atrophient et faussent son intelligence »
L’aspect anticlérical du parrainage civil est alors indéniable et illustre bien le contexte de laïcisation et de transfert de l’autorité de l’Église vers l’État à l’époque.
D’ailleurs, s’il est quelque peu tombé en désuétude au cours du XIXème siècle, le fait qu’il ait retrouvé une certaine popularité lors des commémorations de la Révolution Française de 1989 l’inscrit bien au rang des actes républicains.
Autre élément notable, le parrainage civil relève en France de la coutume et n’est prévu par aucun texte législatif ou réglementaire. Cette pratique a malgré tout traversé les siècles, continuant de remplir son rôle de symbole de l’accession à la citoyenneté.
Il n’est, à ce titre, pas anodin, que le baptême républicain ait été, ces dernières années, beaucoup utilisé comme un acte militant, visant à soutenir des familles se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
L’absence de base légale de cette pratique a pour principale conséquence de ne créer aucune obligation pour les municipalités. Refus de le célébrer ou organisation de cérémonies civiles de soutien à ceux que l’on appelle les « sans papier », le parrainage républicain devient aussi parfois un acte politique.
Mais le caractère coutumier de ce rite, qui doit « contribuer à développer en l’esprit de l’enfant les qualités indispensables qui lui permettront de devenir un citoyen dévoué au bien public, animé de sentiments de fraternité, de compréhension, de respect de la liberté et de solidarité à l’égard de ses semblables » implique surtout une inégalité entre nos concitoyens qui sont soumis au bon vouloir de leur municipalité.
L’objectif de la proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny et du groupe socialiste est alors de consacrer, dans la loi, la pratique des parrainages civils ou républicains et ce afin d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur notre territoire.
L’auteur de la PPL proposait de faire de cette simple coutume un acte d’état civil, introduisant ces dispositions dans le code civil et imposant que le parrainage républicain soit célébré par un officier d’état civil.
Dans cette hypothèse, le parrainage civil aurait alors produit des effets juridiques, notamment en cas de disparition des parents de l’enfant.
Les parrain et marraine se seraient ainsi vus confier deux types de fonctions, s’engageant d’une part « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer », à remplir un rôle moral d’autre part en accompagnant l’enfant dans son entrée dans la citoyenneté.
Notre commission des lois n’a toutefois pas souhaité s’engager sur cette voie et a réécrit la proposition de loi afin de faire du parrainage républicain un engagement des parrain et marraine d’accompagner l’enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines, engagement tout à fait dénué d’effets juridiques.
Le parrainage républicain, c’est le terme qui a été opportunément choisi par notre commission, sera alors célébré à la mairie de résidence des parents, en présence de l’enfant et des parrain et marraine qui donneront acte de leur consentement à assumer leur mission.
Nous considérons, au groupe écologiste, que ce texte, tout symbolique qu’il soit, participe d’une certaine idée de la communauté républicaine, d’une certaine idée de la fraternité, valeur si souvent maltraitée ces derniers temps.
Nous apporterons, bien entendu, notre soutien à cette proposition de loi.
Je vous remercie.