Intervention d’Esther Benbassa lors de la discussion générale sur la proposition de loi visant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants (17 juin 2014)

PPL n°611 :

Proposition de loi tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants

Discussion générale

Mardi 17 juin 2014

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le rapporteur,

Mes ChèrEs collègues,

 

Nous examinons aujourd’hui, en première lecture, la proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Carle tendant à permettre aux candidats de se présenter aux élections municipales avec la nuance « sans étiquette » dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Déposé le 14 mars dernier, ce texte a pris tout son sens à l’issue des dernières élections municipales.

Pour bien comprendre les enjeux de cette proposition de loi, il convient d’une part de rappeler l’état actuel du droit et, d’autre part, d’en évaluer les conséquences pour les candidats et notamment ceux des plus petites communes.

Concernant le droit en vigueur, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires a modifié en profondeur le mode d’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

D’une part, le seuil démographique à partir duquel le scrutin à la représentation proportionnelle s’applique pour l’élection du conseil municipal a été abaissé à 1000 habitants.

D’autre part, l’obligation de dépôt préalable d’une déclaration de candidature a été généralisée à l’ensemble des communes.

A ces dispositions s’ajoutent celles du décret du 30 août 2001 qui prévoient que les candidats aux municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants attribuent une « étiquette » à leur liste – c’est-à-dire la formation politique à laquelle ils se rattachent. Parallèlement, la Préfecture a le devoir de leur affecter, une « nuance » s’ils ne le font pas eux-mêmes, c’est-à-dire le courant de pensée politique auquel ils se rattachent.

La combinaison de ces différents textes a eu des répercussions particulièrement importantes sur la collecte des données personnelles indiquant l’appartenance politique des candidats et des élus. Ces derniers, soutenus dans leurs revendications par l’Association des Maires de France (AMF) et l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), ont, dans les communes comprises entre 1 000 et 3 500 habitants, particulièrement mal vécu l’obligation d’indiquer une nuance politique lors du dépôt des candidatures en Préfecture.

A ce stade, et pour mieux appréhender le malaise, il convient de distinguer l’étiquette politique de la nuance politique.

Si le candidat choisit librement d’adopter ou non une étiquette politique et peut même en changer en cours de mandat, l’administration, quant à elle, attribue une nuance politique aux candidats puis aux élus en fonction d’une nomenclature fixée par le ministère de l’Intérieur et présentée au candidat lors du dépôt de candidature.

Il n’existe alors pas de nuance « sans étiquette » mais seulement une rubrique « autres » dans laquelle figurent, par exemple, les partis anti fiscalistes, les partis religieux, les partis socio-professionnels, les partis régionalistes, le parti Pirate et même… le parti d’en rire !

C’est alors cette lacune que la présente proposition de loi propose de pallier.

En effet, les auteurs du texte, rejoints dans leurs constats par le rapporteur, ont estimé que, sans remettre en cause l’intégrité et l’objectivité dans la mise en oeuvre de cette classification dans les nuances politiques, la marge d’erreur dans l’attribution d’une nuance politique dans les communes de moins de 3 500 habitants restait importante.

On le sait bien, dans les plus petites communes les listes se forment le plus souvent au-delà de tout clivage partisan. Se voir attribuer une « nuance politique » par l’administration peut alors être relativement lourd de conséquences pour le scrutin, mais également tout au long du mandat.

Le texte issu des travaux de notre commission des lois prévoit alors qu’une nuance politique ne puisse être attribuée aux candidats à l’élection des conseils municipaux et aux membres du conseil municipal, dans les communes de moins de 3500 habitants, que sous réserve qu’ils aient choisi une étiquette politique.

Les candidats « sans étiquette » ne pourront alors plus se voir attribuer par l’administration une nuance politique arbitraire.

Considérant que ce texte, qui ne doit pas être regardé de manière partisane, atteint un équilibre qui ne peut que bénéficier à la démocratie locale, le groupe écologiste le soutiendra.

Je vous remercie.