PPL n°508 :
visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale
– Discussion générale –
Jeudi 18 juin 2015
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Yannick Vaugrenard visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.
Etre pauvre n’est pas uniquement un problème économique, mais un phénomène multidimensionnel qui englobe le manque de revenus et l’inexistence des capacités de base nécessaires pour vivre dans la dignité.
Même s’il n’est pas habituel de le penser, la pauvreté demeure une grave préoccupation au regard des droits de l’homme. Les personnes qui vivent dans la pauvreté se voient régulièrement dénier leur dignité et leur égalité.
La discrimination et l’exclusion sont parmi les principales causes et conséquences de la pauvreté. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes vivant avec le VIH sont les catégories les plus exposée à l’extrême pauvreté et aux discriminations qui en découlent.
Celles-ci contribuent à aggraver leur situation et à accroître leur exclusion sociale.
Les enfants interdits de cantine parce que leurs parents sont chômeurs, des médecins qui n’accordent pas de rendez-vous à des malades parce qu’ils ont la CMU, des CV ignorés parce que le postulant vit dans un centre d’hébergement, voilà ce qu’est aussi être discriminé parce qu’on est pauvre.
Le traitement défavorable et inégalitaire que subissent parfois les personnes pauvres découle de la perception négative dont elles sont l’objet. Elles sont souvent considérées comme étant responsables de leur situation. Il y aurait ceux qui feraient des efforts pour s’en sortir et les autres, qui se contenteraient de toucher les prestations sociales. Il y aurait de bons et de mauvais pauvres. Ajoutons à cela que le comportement des personnes discriminantes comme tel n’est pas perçu par leurs auteurs.
Ainsi nous est-il donc proposé d’ajouter, à l’article 225-1 du code pénal, un vingt-et-unième critère de discrimination : celui de la précarité sociale.
La lutte contre les discriminations est un combat que je mène au quotidien depuis plusieurs décennies, comme militante associative d’abord, comme citoyenne bien sûr et, depuis peu, comme parlementaire.
Cette question est au cœur de mon mandat et a récemment pris la forme d’un rapport d’information, fait au nom de notre commission des lois avec mon estimé ancien collègue Jean-René Lecerf, intitulé « la lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action ».
Parmi les 11 principales propositions que nous formulions alors, trois concernent le droit de la discrimination dont la proposition n°2 qui encourage à privilégier le renvoi à la liste des critères de discrimination figurant à l’article 225-1 du code pénal afin d’harmoniser la législation et son application jurisprudentielle.
C’est l’objectif que poursuit le texte qui nous réunit aujourd’hui et je m’en félicite. Je veux également saluer ici le travail de notre rapporteur Philippe Kaltenbach qui s’est attaché, afin que cette proposition de loi ne soit pas qu’une déclaration de principe, à définir un critère juridique opérant et répondant aux exigences du droit pénal.
La commission des lois a ainsi considéré que la précarité sociale était une notion trop subjective et lui a préféré celle de vulnérabilité résultant de la situation économique. Constituerait alors une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur. Reste-t-il encore à trouver un mot pour désigner cette discrimination comme celui existant en anglais « povertyism ». Cette absence de dénomination dénote encore plus fortement le déni dont elle est l’objet.
Si le texte issu des travaux de notre commission a renforcé l’efficacité du dispositif proposé initialement, il n’a rien perdu de sa portée symbolique et le symbole est, en la matière, important.
Il s’agit d’un message fort pour dire aux personnes concernées que leur préjudice est reconnu. Un message pour dire aux discriminants que leur comportement, leurs discours ne sauraient être tolérés dans un État de droit.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe écologiste soutiendra cette proposition de loi avec conviction.
Encore faut-il après les symboles passer aux actes pour combattre la pauvreté et l’extrême pauvreté qui touchent un nombre croissant de nos concitoyens en ces temps de crise économique. Il y a urgence en la matière.
Je vous remercie.