Intervention d’Esther Benbassa en séance lors de la discussion générale sur la proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable (29 janvier 2015)

PPLC n° 779 :

visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable

– Discussion générale –

Jeudi 29 janvier 2015

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

 

 

 

 

Monsieur le Président,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Monsieur le Président de la commission des lois,

Monsieur le rapporteur,

Mes ChèrEs collègues,

Après avoir débattu du statut pénal du Président de la République il y a quelques mois, nous sommes réunis aujourd’hui autour de la proposition de loi de notre col-lègue Jacques Mézard qui vise à rétablir à sept ans la durée du mandat présidentiel et à le rendre non renou-velable.

Le Président de la République semble très en vogue ces derniers temps, au moins au sein de notre Assemblée…

Cela a déjà été rappelé dans le détail, si le quinquennat est un « marronnier » de la vie politique française, il aura fallu attendre la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 pour qu’il soit mis en place, dans un contexte d’ailleurs particulier puisque le référendum a été marqué par une très forte abstention.

Parallèlement, une loi électorale fut adoptée afin que les élections législatives interviennent deux mois après l’élection du Président et que ce dernier ait toutes les chances d’avoir une Assemblée de son bord politique afin de pouvoir mener son programme à bien.

Mais depuis près de quinze ans, nombreuses ont été les voix à remettre en cause cette réforme, à droite comme à gauche. C’est dans cette contestation que s’inscrit la présente proposition de loi.

Les auteurs de ce texte, estimant que le quinquennat a eu pour conséquences de mettre fin au statut particulier d’arbitre institutionnel du Président de la République ainsi que de dégrader la qualité du débat politique, ils proposent de revenir à la durée de sept ans du mandat présidentiel et d’interdire l’exercice de deux mandats successifs.

Vous ne serez pas surpris, mes chèrEs collègues, si je vous dis que les écologistes sont contre tout cumul des mandats, que ce soit, si j’ose dire, dans le temps ou dans l’espace.

Nous avons toujours porté l’idée que seule la limitation des mandats dans le temps est susceptible de favoriser une véritable rotation des responsabilités et nous sou-haitons que les parlementaires et les membres des exé-cutifs locaux ne puissent exercer plus de deux mandats consécutifs.

Quant à la durée du mandat présidentiel, il ne nous semble pas être la principale cause du dysfonctionne-ment de nos institutions. En effet, c’est la tenue des élections législatives en aval de l’élection présidentielle qui aboutit à ce que la campagne électorale soit quasi permanente et à ce que le Président candidat remplace bien souvent le candidat à la présidence.

Il nous semble toutefois que la réflexion induite par l’examen de ce texte devrait être beaucoup plus large et nous amener à nous positionner sur le modèle de dé-mocratie que nous souhaitons.

Les écologistes l’affirment depuis longtemps, face aux crises politiques et institutionnelles, il faut refonder pro-fondément nos institutions, à tous les niveaux, pour af-fronter démocratiquement les temps qui viennent et bâtir ensemble une nouvelle société.

C’est une VIème République qu’il faut inventer, une Ré-publique qui n’a pas pour seule vocation de « réparer » la Vème, régime de concentration et de confusion des pouvoirs, favorisant l’irresponsabilité et l’immunité des dirigeants, mettant à distance les citoyens et leurs re-présentants.

La nouvelle République que nous imaginons prévoit alors la généralisation de la proportionnelle à tous les scrutins afin de tenir le meilleur compte possible du poids politique réel des différentes forces et d’assurer une parité effective des élu-e-s ;

la refonte du rôle du président de la République qui serait garant du bien commun et, en particulier, de la prise en compte par le gouvernement et le Parlement des exi-gences du long terme ;

ou encore l’inversion du calendrier électoral pour que les élections législatives soient indépendantes de l’élection présidentielle et qu’elles aboutissent à l’élection du pre-mier ministre (leader du parti ou de la coalition gagnante) par l’Assemblée Nationale…

Si finalement, le groupe écologiste votera contre ce texte, ce n’est pas parce qu’il contient des mesures par-ticulièrement problématiques mais parce que nous en sommes convaincus, c’est le modèle entier de nos insti-tutions qu’il faut réinventer, c’est à la construction de la VIème République qu’il faut s’atteler maintenant.