Internet: ‘Poser des garde-fous, ce n’est pas restreindre la liberté d’expression’ (L’Expansion, 21 février 2013)

Propos recueillis par Raphaële Karayan.

La sénatrice Esther Benbassa a constitué un groupe de réflexion et entamé des concertations dans le but de proposer une loi encadrant la liberté d’expression sur internet. Sans doute sur le modèle de la loi sur la liberté de la presse. Explication.

La sénatrice écologiste Esther Benbassa est en train de constituer un groupe de réflexion composé de représentants des différentes tendances politiques, dans le but d’ébaucher une loi portant sur la liberté d’expression sur internet. Elle s’est saisie du sujet après que les discussions sur la loi qui harmonise à un an les délais de prescription pour toutes les injures discriminatoires (qu’elles soient fondées sur la race, le sexe, la religion, l’orientation sexuelle ou le handicap), adoptée par le Sénat le 7 février et dont elle était rapporteure, ont fait émerger la nécessité d’encadrer les propos injurieux sur internet.

Cette nouvelle, diffusée notamment par Mediapart, a immédiatement suscité des réactions inquiètes relatives à la restriction des libertés sur le web. Une lecture complètement fausse, selon Esther Benbassa. La sénatrice nous explique en quoi consiste ce projet.

Quels sont les objectifs de ce groupe de réflexion?

L’objectif est d’ébaucher une loi un peu sur le modèle de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais pour internet. Ce n’est absolument pas de limiter la liberté d’expression. Lors des débats sur la loi relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse, et lors des auditions, il est ressorti que la majorité de ces actes se font sur internet, pas dans la presse. Des sénateurs de toutes tendances ont alors proposé que l’on fasse une loi. J’en ai conclu qu’il serait utile de créer un groupe de réflexion là-dessus, et Najat Vallaud-Belkacem a dit qu’elle en ferait partie.

Quelle forme cela pourrait-il prendre? Cela nécessiterait-il de modifier une loi? D’en créer une nouvelle?

Si nous faisons quelque chose cela sera après avoir mené des auditions avec les associations, et un travail de réflexion. Je suis personnellement pour faire une nouvelle loi, sur le modèle de la loi sur la liberté de la presse, mais l’accent serait mis sur la prévention et l’éducation, pas sur la répression. Il faut éduquer les jeunes sur la façon d’utiliser cet outil de communication exceptionnel.

Avez-vous déjà un calendrier en tête?

Je pense que nous pouvons nous lancer en 2014. Nous sommes déjà entrés en phase de concertation.

Quelles difficultés une telle loi pose-t-elle?

Il faut expliquer aux gens que poser des garde-fous, ce n’est pas restreindre la liberté d’expression. Il faut prendre en considération que l’autre, à qui l’on s’adresse sur internet, n’est pas dématérialisé, lui. Il faut voir si les sites ne peuvent pas créer un poste de directeur de publication comme il en existe dans la presse. Car il faut un interlocuteur pour tous les sites. Je crois que s’il n’y a pas de limite, c’est aussi parce qu’il n’y a personne en face. La liberté d’expression, ce n’est pas l’injure. Il faut donc poser des garde-fous, de la manière la plus « soft » possible, et surtout éduquer, expliquer aux jeunes ce qu’est véritablement internet.

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