
« Comme Manuel Valls, il passe de Beauvau à Matignon, la loyauté à François Hollande en plus. Le président sortant a fait le choix d’un fidèle qui porte le bilan du quinquennat sur la lutte antiterroriste et la limitation des libertés publiques, mais aussi la tache de la mort de Rémi Fraisse.
Il y a trois ans, il disait qu’il était devenu ministre « comme un jaune d’œuf sur une toile cirée ». L’expression, dont il use couramment, le résume bien : elle présente bien, mais sans qu’on en saisisse le sens profond. Depuis, Bernard Cazeneuve est devenu l’un des hommes clés du quinquennat de François Hollande, jusqu’à être nommé mardi à Matignon pour cinq mois. Respecté au gouvernement et dans la majorité, il porte aussi le bilan contrasté de son passage à l’Intérieur, entaché par la mort de Rémi Fraisse et marqué par les débats sur la limitation des libertés publiques au nom de la lutte antiterroriste et les violences policières lors des manifestations contre la loi sur le travail.
Le président de la République, contraint de ne pas se représenter et de laisser partir Manuel Valls dans la course à la primaire, a choisi de promouvoir deux autres fidèles : Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée depuis 2012, a été nommé place Beauvau, en remplacement de Cazeneuve, et le très vallsiste Jean-Marie Le Guen a été rétrogradé, de secrétaire d’État aux relations avec le Parlement à celui du développement et de la francophonie. Il échange sa place avec un autre proche de François Hollande, André Vallini. […]
Après la mort de Rémi Fraisse, à l’âge de 21 ans, tué par la grenade d’un gendarme sur le barrage de Sivens dans la nuit du 27 octobre 2014, le ministre de l’intérieur vole au secours des gendarmes, sans un mot pour la famille du militant écologiste qu’il n’a d’ailleurs jamais rencontrée. Bernard Cazeneuve se retranchera ensuite sur une erreur de communication, sans jamais remettre en cause les choix de maintien de l’ordre à l’origine de cette mort. « J’aurais dû être beaucoup plus dans l’expression de la tristesse que j’éprouvais. J’aurais dû dire l’émotion plus vite. Mais c’est une affaire de caractère », dira-t-il dans Libération en novembre 2015.
Comme la relation police-population, les violences policières, qui émaillent notamment les manifestations contre la loi El Khomri au printemps 2016, restent l’angle mort de son passage au ministère de l’intérieur. À chaque nouvelle affaire – Amadou Koumé, décédé en mars 2015 dans un commissariat, ou Adama Traoré, mort le 19 juillet 2016 dans la cour de la brigade de gendarmerie de Persan –, Bernard Cazeneuve renvoie vers les agressions dont sont victimes les forces de l’ordre, comme si les unes excluaient les autres. « Aux théoriciens récurrents et pavloviens des violences policières, je rappelle toutes les violences que subit la police lorsqu’elle assure la protection des Français et veille au respect des principes républicains », répond-il au Sénat à une question de la sénatrice Esther Benbassa sur les « dérives » liées à l’état d’urgence le 9 février 2016.
Le 2 novembre 2016, le député Pouria Amirshahi l’interroge sur son absence de réaction après la mort d’Adama Traoré. Bernard Cazeneuve répond en condamnant les agressions dont sont victimes policiers et gendarmes : « Ce que je ne peux cependant plus accepter, […] c’est la mise en cause permanente, à longueur de semaine, du travail accompli par les forces de l’ordre. » […]
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