par François Vignal,
Les primaires se suivent et se ressemblent au groupe UMP du Sénat. Bruno Retailleau a été élu ce jeudi président du groupe UMP de la Haute assemblée dès le premier tour, succédant au sénateur-maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. Le sénateur de Vendée a obtenu 79 voix, contre 39 pour le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi, proche de Nicolas Sarkozy, et 25 pour Gérard Longuet, sénateur de la Meuse.
Président du conseil général de Vendée, soutien de François Fillon, Bruno Retailleau a été le dernier à se déclarer candidat au groupe, en septembre. C’est en réalité Gérard Larcher et Jean-Pierre Raffarin qui l’ont tous deux poussé à y aller, au début de l’été. Après l’élection de Gérard Larcher au plateau, c’est donc une deuxième victoire pour un filloniste au Sénat.
« Je suis provincial »
« Je suis enraciné, je suis provincial », a-t-il souligné pour expliquer sa victoire. « Tu es le visage du territoire », lui a dit l’un de ses collègues. Il défend « le choix du renouveau » qu’il veut « incarner ». Cet homme de 53 ans, catholique et père de trois enfants, propose « un groupe de combat et de débat » mais sans « reflexe pavlovien d’opposition ». Il entend permettre au Sénat « de changer », sans rentrer dans les détails. Le sénateur de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, avec qui il fera équipe aux côtés de la sénatrice Catherine Deroche, donne des pistes : « transparence sur les postes, en matière financière. Et on reparlera de la réserve parlementaire ».
Fillon 2 – Sarkozy 0
Son élection dès le premier tour est une surprise, même si la cote du sénateur de Vendée remontait depuis quelques jours et surtout depuis la victoire de Gérard Larcher face à Jean-Pierre Raffarin lors de la primaire interne à l’UMP pour le plateau. « Le score de Bruno Retailleau, c’est celui de Gérard Larcher », a constaté à la sortie Roger Karoutchi, déçu par son score : « Ça ne l’a pas fait ». « Il y a une majorité autour de Gérard Larcher. C’est la suite logique », pense aussi Gérard Longuet, « un peu déçu » également. Jean-Pierre Raffarin met en garde contre cette lecture du vote : « C’est très compliqué. Rien ne dit que les 79 voix de Bruno Retailleau sont superposables aux 80 de Gérard Larcher ».
Karoutchi va créer « une amicale sarkozyste au Sénat »
Pour l’ancien premier ministre, ce sont les clivages « Paris/province », la fonction de « président de conseil général » du sénateur de Vendée et le fait que « Bruno Retailleau soit un type de conviction » qui explique sa victoire. Même analyse pour Roger Karoutchi : « Je ne suis pas un rural. Je suis francilien. Les provinciaux n’aiment pas trop ça ». L’ancien ministre chargé des Relations avec le Parlement, soutien de Nicolas Sarkozy, ajoute une autre explication : le rôle des écuries. « J’espérais que le clivage sarkozystes/fillonistes serait dépassé. Il y a les pros et proches de Sarkozy et les autres », pense le sénateur des Hauts-de-Seine. Alors qu’il a mené campagne en cherchant à gommer son image de sarkozyste, Roger Karoutchi retrouve son naturel. « Maintenant que je suis entièrement libre, je créerai une amicale sarkozyste la semaine prochaine au Sénat. Et on verra bien l’ampleur qu’elle prendra », annonce-t-il. Bruno Retailleau ne pense pas lui qu’être étiqueté pro Sarkozy ait changé quelque chose : « Ce n’est pas ce que j’ai ressenti », dit-il. Mais il souligne qu’« ici, les ordres ne viennent pas d’en haut. Le sénateur est un élu indépendant ».
Encarté à l’UMP depuis seulement 2012
Bruno Retailleau réussit le tour de force d’être élu président du groupe UMP du Sénat seulement un peu plus de deux ans après avoir pris sa carte au parti pour la première fois. Il était cependant rattaché au groupe UMP auparavant. Le sénateur de Vendée est à l’origine un proche de Philippe de Villiers, dont il était le bras droit en Vendée, avant que les deux hommes se brouillent. Bruno Retailleau avait été vice-président du Mouvement pour la France, le parti de Philippe de Villiers. Ce dernier lui a avait confié la mise en scène du spectacle du Puy-du-Fou. Des années plus tôt, il avait participé au spectacle comme cavalier, en bénévole. Il avait 16 ans.
Ferme opposant au mariage pour tous
Durant les débats sur le mariage entre personnes de même sexe, Bruno Retailleau avait été l’un des fers de lance des opposants à la Haute assemblée. Un incident de séance, qu’il l’avait opposé à la sénatrice EELV Esther Benbassa et au président du groupe écologiste, Jean-Vincent Placé, avait marqué les discussions dans l’hémicycle (revoir notre article« Mariage pour tous : incident de séance entre Retailleau et Benbassa autour de la « couleur » »).
Voici la vidéo de l’esclandre entre Bruno Retailleau et les écologistes :
Mariage pour tous: incident de séance entre… par publicsenat
Bruno Retailleau, dont le nom avait été évoqué à deux reprises pour faire son entrée dans le gouvernement Fillon, avant que Philippe de Villiers s’y oppose, entrainant leur brouille, s’est fait également connaître au Sénat pour avoir présidé un rapport d’information sur le drame de la tempête Xynthia. Il a aussi fait adopter à l’unanimité une proposition de loi visant à inscrire le préjudice écologique dans le code civil.
« J’hérite d’un accord avec les centristes que je n’ai pas négocié »
Dans l’immédiat, il doit gérer les tensions causées par l’accord que le groupe centriste a passé avec l’UMP, en échange du vote des 43 sénateurs UDI en faveur de Gérard Larcher. Un vote indispensable, l’UMP n’ayant que la majorité relative. Les centristes ont obtenu une questure, deux vice-présidences – ce qui n’en laisse plus que deux à l’UMP – deux présidences de commission et deux délégations. C’est trop pour certains, qui dès mercredi soir, ont exprimé leur mécontentement (lire notre article « Sénat : l’accord avec les centristes passe mal au groupe UMP »). L’accord a été négocié par Gérard Larcher et Jean-Claude Gaudin, qui s’en est expliqué devant le groupe ce matin. « J’hérite d’un accord que je n’ai pas négocié », a souligné Bruno Retailleau après son élection, « il y a des choses à préciser ». Bruno Retailleau semble donc prêt à rouvrir les discussions sur l’accord, dont les détails n’étaient de toute façon pas finalisés. « Il ne s’agit pas de faire éclater le pacte majoritaire », précise-t-il. Les centristes devraient cependant peu apprécier. Ils sauront sans nul doute rappeler que sans eux, il n’y a pas de majorité au Sénat.
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