Femmes battues, IVG: les « sondages » fous de Cyril Hanouna
Par Audrey Kucinskas, publié le
Avec sa nouvelle émission « Balance ton post », il est devenu coutumier des questions simplistes, relayées sur Twitter.
C’est le principe de la nouvelle émission de Cyril Hanouna, Balance ton post : ouvrir le débat. Chaque vendredi soir en deuxième partie de soirée sur C8, on débat sur les sujets ayant fait l’actualité de la semaine. Et le contrat est rempli – trop littéralement, peut-être. C’est ainsi que, ces dernières semaines, les chroniqueurs ont été invités à se prononcer : « Jacqueline Sauvage, victime ou coupable ? » « Pour ou contre l’avortement ? » ou encore « Pour ou contre la burqa ? »
Le 5 octobre, après la diffusion du téléfilm de TF1 consacré à son histoire, Jacqueline Sauvage était ainsi « à l’honneur. » Une semaine plus tard, c’est au tour du pape François, qui a comparé l’interruption volontaire de grossesse à l’emploi de « tueurs à gages » de se retrouver au coeur de la discussion. Pour son numéro du 12 octobre, Cyril Hanouna invitait donc un militant anti-avortement afin de débattre avec ses chroniqueurs, tous pro-IVG.
« Vous êtes pour ou contre l’IVG en France ? »
Si le débat (que nous avons visionné) porte lui-même le nom de « Pour ou contre l’avortement », c’est surtout le tweet, posté sur le profil de Balance ton post, qui engendre dès vendredi une vive polémique. « Pour ou contre l’interruption volontaire de grossesse ? », demande le « sondage », relayé par Cyril Hanouna lui-même, comme le souligne Marianne. « On revient avec le débat sur l’avortement ! Vous êtes pour ou contre l’IVG en France ? », interroge-t-il, avant, quelques heures plus tard, de supprimer son message.
L'interruption volontaire de grossesse ? #BalanceTonPost #BTP
— Balance Ton Post (@BalanceTonPost) October 12, 2018
Les réactions débordent le cadre de la télé. La secrétaire d’Etat à l’égalité femme homme Marlène Schiappa, intervient en direct, envoyant des SMS à l’animateur afin de lui rappeler que l’entrave à l’IVG est un délit. Laurence Rossignol, ex-ministre des Familles, s’exprime le lendemain avec d’autres idées de « débats ». Non sans ironie : « Je suggère aussi : pour ou contre les aiguilles à tricoter ? Pour ou contre l’eau de javel dans l’utérus ? Et puis, allez… Pourquoi se priver… Pour ou contre la prison pour les femmes qui avortent ? » La sénatrice EELV Esther Benbassa s’est de son côté questionnée : »Demain, posera-t-il la question de savoir si nous sommes pour ou contre la peine de mort ? »
Je suggère aussi : pour ou contre les aiguilles à tricoter? Pour ou contre l’eau de javel dans l’utérus? Et puis allez..pourquoi se priver…pour ou contre la prison pour les femmes qui avortent? #IVG https://t.co/nRR7tlJfpK
— Laurence Rossignol (@laurossignol) October 13, 2018
Jointe par téléphone, une source proche de la production dit comprendre l’origine de la polémique. « Le tweet, Cyril Hanouna l’a retiré de son compte, confirme-t-elle. Et il est vrai que la formulation du débat était sans doute un peu maladroite. Mais l’idée de ces questions est d’ouvrir le débat. En plateau, toutes les sensibilités sont représentées. Ces sondages sont simplement un moyen d’inclure le téléspectateur », poursuit cette source, qui nous renvoie également à un tweet de Cyril Hanouna, posté le lendemain de la diffusion de l’émission et rappelant que se flattant d’avoir rappelé que « L’IVG est un droit en France ! »
Et le débat d hier était évidemment sur les propos du pape qui comparaît l IVG a un tueur à gage . Cela a permis à l équipe de #BTP de dénoncer ces propos et de rappeler et défendre les des droits des femmes . L’IVG est un droit en France !
— Cyril Hanouna (@Cyrilhanouna) October 13, 2018
Sud Radio coutumier du fait
Quand il s’agit d’éluder l’éventuelle complexité d’un débat de société, Cyril Hanouna n’est cependant pas tout seul. Sud Radio, qui compte parmi ses effectifs Brigitte Lahaie, Cécile de Ménibus ou encore Natacha Polony, demande régulièrement à ses auditeurs de se prononcer sur des questions sensibles, qui mériteraient à n’en pas douter d’être davantage développées que par des « pour », « contre », « oui » ou « non ». Parmi les récents « débats » lancés sur le compte Twitter de Sud Radio, on trouve bien évidemment une question sur l’IVG. « Est-ce un recours à un tueur à gage comme le dit le pape ? », interroge la station.
"IVG : Est-ce un recours à un tueur à gage comme le dit le pape ?"
Dites-nous ce que vous en pensez, donnez nous votre avis !#VraiesVoix ?? #IVG #papeFrancois @cbordetsudradio @BilgerPhilippe @PhDavidMtb @francoisedegois
Réagissez jusqu’à 20 H ☎️ 0826 300 300
— Sud Radio (@SudRadio) October 10, 2018
On trouve aussi une question sur la PMA (« La PMA sans père vous choque-t-elle ?« ), sur l’extrême droite (« Faut-il en avoir peur ?« ) ou encore sur le burkini (« Faut-il l’autoriser dans les piscines ?« ). Autant de problématiques clivantes qui assurent probablement une large participation des auditeurs.
Un précédent sur 36 15
Attention, cependant, à ne pas confondre ces questions avec de véritables sondages, rappelle à L’Express Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. « Ce sont des consultations, ce qui n’a rien à voir puisque le principe de représentativité et les quotas n’y sont pas respectés. »
Quant à la formulation des questions abordées ci-dessus, même si notre interlocuteur ne souhaite pas s’appesantir sur le sujet, il rappelle que dans un sondage ou une enquête d’opinion, « il y a cinq questions minimum, très fouillées, avec des réponses en quatre points, et même parfois plus. » Si le mot « sondage » est parfois utilisé pour parler des consultations Twitter de C8 ou de Sud Radio, mieux vaut donc ne pas s’y tromper.
Quant au débat sur la nature de ces consultations, il n’est pas nouveau. En 1992 déjà, le magazine Paris Match invitait ses lecteurs à voter sur la culpabilité d’un prévenu (finalement innocenté) dans l’affaire du viol et de l’assassinat de la petite Céline Jourdan. La question était déjà sans nuance: « Richard Roman est-il coupable? Répondez par Minitel. » Le procureur était intervenu pour obtenir le retrait du vote.
Pour relire l’intégralité de l’article, cliquez ici