Alors que de nombreuses frontières sont bloquées pour cause de Covid, des étrangers sont en attente de renvoi vers leur pays. La situation génère des tensions. Reportage.
Drôle d’ambiance, ce mardi 16 février, à l’approche du centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot. Dans cette zone industrielle aux confins de la Seine-et-Marne et du Val-d’Oise, à proximité des pistes de l’aéroport de Roissy, l’ambiance est particulièrement morose en cet après-midi d’hiver. Les avions ne s’envolent qu’au compte-gouttes, l’aéroport tourne au ralenti, les voitures et camions sont rares à s’égarer dans la rue de Paris. Seuls quelques véhicules ralentissent à la hauteur du CRA, des policiers venus prendre la relève de leurs collègues.
A l’intérieur des bâtiments de brique rouge, dans lesquels L’Express a pu pénétrer à l’occasion d’une visite surprise de la sénatrice EELV Esther Benbassa, l’humeur oscille entre abattement et colère. Ici, derrière les portes verrouillées et les hauts barbelés, un peu plus de 100 étrangers en situation irrégulière attendent, parfois jusqu’à 90 jours, un renvoi vers leur pays d’origine. Une expulsion pourtant rendue improbable par la fermeture de nombreuses frontières pour cause d’épidémie de Covid-19. Alors, pour les « retenus », les jours passent tel un interminable voyage au pays de l’absurde. Pourquoi les garde-t-on ici si on ne peut pas les renvoyer ? Pourquoi, même lorsque des juges ordonnent leur libération, l’administration les renvoie-t-elle au CRA ? Les mêmes questions reviennent sans cesse.
Ce 16 février, le plus grand centre de France n’est rempli qu’à la moitié de ses capacités. 57 personnes, dont une quinzaine de femmes, sont retenues dans la première des entités et 53 dans la seconde, alors que chacune dispose de 120 places. Originaires d’Algérie, de Russie, de Somalie ou d’ailleurs, tous ont été frappés d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Certains s’enferment dans leur chambre, deux lits superposés, une table, d’autres s’ennuient dans la cour, autour d’une table de ping-pong ou de cages de foot. Les derniers, enfin, patientent devant le local de la Cimade, seule association habilitée à intervenir dans le CRA. Ils viennent ici dans l’espoir de trouver une issue juridique à leur situation.
Le placement en CRA n’a, en effet, de sens que dans la perspective d’un renvoi vers le pays d’origine. Or, bien peu de ces départs ont lieu actuellement. Selon les chiffres 2020 dévoilés par le ministère de l’Intérieur le 21 janvier, les éloignements ont diminué de 49% en un an, toutes catégories confondues. Et c’est plus frappant encore pour les renvois vers les « pays tiers » (hors Schengen) qui ont chuté de 62%. Absence de vols, fonctionnement au ralenti des administrations dans les pays d’origine qui rend encore plus compliqué qu’avant l’obtention du laissez-passer consulaire, indispensable avant de renvoyer quelqu’un, fermeture des frontières… Les raisons sont multiples, mais l’effet incontestable.
Les expulsions vers les pays tiers ont chuté de 62% en un an
Au CRA du Mesnil-Amelot, seuls quelques départs vers des pays de l’espace Schengen ont lieu. Ainsi, les jeunes femmes rassemblées mi-février dans la cour, seront sans doute renvoyées en Roumanie dans les prochains jours. La Somalienne, qui avait déposé une première demande d’asile en Suède, sera peut-être redirigée vers le nord de l’Europe, en vertu des accords de Dublin. Mais, pour les autres, la situation est totalement bloquée. En dépit des déplacements de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, au Maghreb fin 2020 pour tenter d’accélérer les processus, aucune expulsion n’a récemment eu lieu vers l’Algérie, la Tunisie ou le Maroc, de l’aveu même des forces de l’ordre du CRA. Même constat vers les pays plus lointains, l’Afrique notamment.
La situation est d’autant plus tendue que la quasi-totalité des pays exigent désormais un test PCR négatif avant d’accueillir leurs ressortissants. Or, certains retenus refusent le test pour éviter l’expulsion. La loi les y autorise au nom de l’inviolabilité du corps humain, mais les préfectures demandent au parquet de les poursuivre pour « obstruction à une mesure d’éloignement ». Nombre d’entre eux sont donc jugés et condamnés pour ce motif, ils purgent une peine de prison, avant d’être renvoyés en centre de rétention pour un départ toujours aussi hypothétique. Le 20 janvier dernier, c’est pour cette raison que deux hommes ont déclenché un incendie. Le feu n’a pas fait de blessés, mais depuis, les bâtiments 3 et 4 sont inutilisables dans l’attente de leur remise en état. Surtout, cet incident témoigne d’un regain de tension au sein d’un centre où se relaient près de 300 fonctionnaires, des agents de la Police aux frontières, mais aussi des policiers en civil.
La situation est d’autant plus tendue que la quasi-totalité des pays exigent désormais un test PCR négatif avant d’accueillir leurs ressortissants. Or, certains retenus refusent le test pour éviter l’expulsion. La loi les y autorise au nom de l’inviolabilité du corps humain, mais les préfectures demandent au parquet de les poursuivre pour « obstruction à une mesure d’éloignement ». Nombre d’entre eux sont donc jugés et condamnés pour ce motif, ils purgent une peine de prison, avant d’être renvoyés en centre de rétention pour un départ toujours aussi hypothétique. Le 20 janvier dernier, c’est pour cette raison que deux hommes ont déclenché un incendie. Le feu n’a pas fait de blessés, mais depuis, les bâtiments 3 et 4 sont inutilisables dans l’attente de leur remise en état. Surtout, cet incident témoigne d’un regain de tension au sein d’un centre où se relaient près de 300 fonctionnaires, des agents de la Police aux frontières, mais aussi des policiers en civil.
Lien de l’article : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/expulsions-sous-covid-voyage-en-absurdie-au-centre-de-retention-de-roissy_2145079.html