Samedi, lors de la convention sur « L’écologie que nous voulons », Europe Ecologie – Les Verts a examiné les résultats de trois enquêtes : l’une (conduite par le CEVIPOF) auprès des adhérents du parti, la deuxième sur ses anciens électeurs et les prochaines échéances électorales de 2014 (Harris), et la dernière sur la présence de ministres écologistes au sein du gouvernement à partir d’un questionnaire en direction des électeurs écologistes effectifs et potentiels (Viavoice).
Un peu de narcissisme ne peut pas faire de mal
Dans une ambiance bon enfant, les militants ont découvert sagement ces résultats et les ont commentés dans la bonne humeur. J’étais même étonnée qu’il n’y ait ni polémique ni énervement. Il faut dire, un peu de narcissisme, en ces temps de déprime généralisée, les partis en ont bien besoin. Ca booste les adhérents, même si les résultats ne sont jamais à la hauteur de leurs attentes.
Ceci dit, si les partis aiment se redécouvrir dans leur propre regard et dans celui de leur électorat potentiel, EELV, lui, a fait mieux : il a commandé une enquête auprès de ses anciens électeurs. On ne sait jamais, ils peuvent revenir pour les prochaines élections municipales et européennes. Il vaut mieux savoir s’ils ont beaucoup changé depuis le dernier bulletin de vote déposé dans l’urne en faveur des écolos. Moi, j’aime bien l’archéologie, mon parti aussi semble l’aimer. Voilà déjà un bon point commun.
Comme la bonne militante que je m’efforce de devenir, après ma prise de parole, Place de la République, à la manif de soutien des Turcs de Paris aux démocrates qui se battent à Istanbul et ailleurs contre le régime autoritaire et liberticide d’Erdogan, j’ai moi aussi débarqué à la convention pour m’enquérir de la santé de mon parti. Au fond, j’aime assez ce genre de réunion. On y rencontre plein d’amis et connaissances. Quelques ennemis aussi, bien sûr, pour faire bonne mesure.
Façon de s’immerger dans l’aquarium, où plein de petits (et gros) poissons se donnent généreusement coups de queue, de nageoire (et de dent), tout en s’efforçant de vivre en banc et d’avancer ensemble, tant bien que mal. Aussi, bien que mes doutes soient bien grands sur la fiabilité des enquêtes de ce genre, ai-je écouté comme les autres, avec curiosité et attention, dans l’espoir de mieux connaître ces petits poissons, qui rêvent de devenir gros, et les gros, qui voudraient bien le rester.
Les adhérents écolos seraient à gauche
Première vérité : l’orientation des adhérents à gauche serait claire. Ouf ! Cela me réconforte, parce qu’il y a des jours, tout de même, où j’en doute. Pour 83%, le mot « profit » évoquerait quelque chose de négatif. Je rêve de cette société sans profit. Allons vite la construire, le 3e millénaire est déjà bien entamé, ça urge. Voilà un projet porteur.
Le mot de « laïcité » évoquerait lui, en revanche, quelque chose de positif. C’est vrai qu’on ne voit pas dans nos meetings beaucoup de militant(e)s en burqa ou en kippa. On s’en était rendu compte.
89% des adhérents sont pour la construction européenne. Voilà qui me réjouit. Heureusement. On n’est quand même pas au FN. D’ailleurs, l’immigration ne leur fait pas peur non plus. Ça ne va pas plaire à Valls. Au Conseil des Ministres, il risque de tirer l’oreille de Cécile, notre superministre.
Les 2/3 des adhérents estiment « possible et souhaitable » de fermer définitivement toutes les centrales nucléaires françaises dans un délai de 20 ans. Au travail, Hollande, si tu veux garder tes ministres – et tes électeurs – écolos.
La même proportion souhaite interdire les élevages industriels, et 60% ne s’opposeraient pas à une augmentation du prix des carburants pour diminuer l’usage de la voiture. Vite, citoyens, citoyennes, accrochez-vous à vos vélos !
Un petit hic, tout de même. Pour les adhérents, les trois premières priorités qu’EELV doit défendre concernent l’écologie. Le social ne vient qu’en quatrième position. Que fait-on avec les pauvres? La défense des immigrés vient en 11e position, la reconnaissance de l’Etat palestinien en 12e, et les droits des LGBT en 13e, avec 1% d’intérêt. À entendre le tapage que font les militants pro-palestiniens dans le parti, j’ai toujours cru que c’était un sujet fondamental. Eh bien non. Les enquêtes finissent par nous apprendre des choses.
Il apparaît que nous ne sommes pas vraiment contre la participation d’EELV à la majorité actuelle, puisque 49% l’approuvent. C’est modeste, mais plutôt convenable. Participer au pouvoir, sortir d’une culture d’opposition, n’est pas chose aisée. On s’y colle quand même, et on est finalement plutôt pour.
45% des adhérents sont cadre supérieur, travaillent en libéral ou sont enseignants, etc. 2% d’étudiants seulement. Là, le bât blesse. D’autant que 31% des adhérents sont des retraités inactifs. Alerte : le parti vieillit, il ne doit pas finir en club de retraités… Nous avons tout de même 7% d’ouvriers, ce qui ne fait pas de nous un parti ouvrier, mais nous permet de ne pas perdre complètement pied avec le monde de ceux qui ne sont pas forcément allés longtemps à l’école.
38% des adhérents sont tout de même Bac + 4 ou + 5. 20% ont un doctorat ou sortent d’une Grande Ecole. Un vrai parti d’intellos? Je ne dirais pas ça. Eduqués et intellos, est-ce la même chose? C’est quand même un parti de personnes diplômées, puisque seulement 7% des adhérents n’ont pas fait d’études.
Des électeurs écolos plus bobos que sociaux ?
Globalement, le parti n’a donc pas à rougir de son profil. Mais qu’en est-il de ses électeurs? Là, c’est une vraie question. Leurs voix seront décisives pour les échéances à venir.
61% de la clientèle écologiste est pour que les ministres écologistes restent au gouvernement. Seulement 31% trouve attrayant le modèle écologiste. Mais pour 49%, l’écologie propose un nouveau modèle de société. Je décèle là une petite contradiction. Les sondages sont comme la vie : pleins de paradoxes.
Presque la moitié des électeurs écologistes estiment qu’avant de se préoccuper d’environnement, il faudrait d’abord fournir du travail aux gens. Réalisme. Reste que parmi les préoccupations de ces mêmes électeurs, la qualité des produits alimentaires vient en tête. Là, on entre en Boboland, on dirait.
Quoique. Les pauvres pensent d’abord, c’est vrai, à manger, la qualité n’est pas leur premier souci. Et pourtant, les pauvres aussi méritent d’accéder aux aliments de qualité. Se battre pour les leur procurer au prix des produits de la grande consommation, réformer les habitudes, éduquer, n’est pas un vain combat. Les pauvres ont bien le droit de vivre aussi longtemps et en aussi bonne santé que les bobos.
L’avenir de la planète vient en 4e position, ce qui me déçoit un peu de la part des bobos. Le réchauffement climatique en 7e position. Quel dommage, surtout quand on voit les dégâts ! Ce long automne depuis novembre dernier, ces catastrophes naturelles à répétition. La transition énergétique en 8e et dernière position. Là, rien ne va plus. Notre discours doit changer, gagner en clarté, en force de conviction.
Ils sont responsables, quand même, nos bobos, puisque parmi les propositions qui recueillent le plus grand assentiment viennent le « droit au logement » (81%) et l’amplification de la pression fiscale sur les plus aisés (73%). Ils sont tout de même un peu anticapitalistes, nos électeurs. Bravo à eux.
En revanche, la sortie totale du nucléaire en 20 ans ne recueille que l’adhésion de la moitié des personnes interrogées. Ils tiennent à leur confort, ou à ce qu’ils imaginent être leur confort, nos électeurs.
Et l’affirmation du fédéralisme en Europe n’a les faveurs que d’un tiers. Seraient-ils donc eux aussi atteints par les slogans anti-européens de la droite populaire et de l’extrême droite ? Je ne veux pas le croire.
Ça patauge dans l’aquarium
La synthèse de tout cela ? C’est qu’elle va être difficile à faire, cette synthèse, justement. Tout va mal. Nos électeurs sont plus à droite que nos adhérents et les fondamentaux de l’écologie ne les intéressent pas tant que ça. Qu’allons-nous faire? Leur vendre du logement et des produits bios comme grands axes pour les prochaines élections ? Nous sommes fichus, je vous le dis. Il va falloir changer d’électorat ou changer de fondamentaux. C’est ça le choix ? J’espère bien que non, quand même. Mais maintenant je comprends pourquoi nous sommes parfois un peu désorientés… Ça patauge dans l’aquarium, c’est normal. Mais on va s’en sortir, vous verrez !
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