Ce texte n’a qu’un but : décourager ceux qui cherchent refuge chez nous
Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie –
Par Esther Benbassa /19 juin 2018
VERSION PROVISOIRE
À peine trois ans ont passé depuis la dernière réforme de l’asile. Entretemps, aucun bilan de l’efficacité des mesures votées, aucune politique migratoire ambitieuse et rationnelle. Ce texte est le vingt-neuvième depuis la fin des années 1980. Notre législation tourne à vide. Ce n’est pas en nous alignant sur le RN, ex-FN, que nous ferons reculer ses votes, dixit Jacques Toubon.
Le candidat Macron disait, en janvier 2017, que nous ne pouvions pas revoir nos valeurs à l’aune des risques du monde. Fumée que cela. Ce texte n’a qu’un but : décourager ceux qui cherchent refuge chez nous. M. Collomb et Mme Loiseau parlent de « submersion », de « benchmarking » ou de « shopping de l’asile ». Pour nos dirigeants, les exilés sont des encombrants, un flux à gérer, un chiffre à réduire.
Lisez le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ou celui d’Oxfam sur ce qui se passe à la frontière franco-italienne, aussi accablants pour la France que pour l’Italie. Heureusement, des délinquants solidaires, des citoyens de bonne volonté portent secours à ces sans-rien que d’aucuns rêveraient de voir disparaître sous leur talon.
Une majorité de Français étaient contre l’accueil de l’Aquarius. Faut-il les en féliciter ?
M. François Bonhomme. – Faut-il les accabler ?
Mme Esther Benbassa. – Félicitons plutôt les mille bénévoles espagnols qui se sont dévoués pour accueillir les rescapés !
Notre commission, elle, supprime le petit assouplissement apporté par les députés en limitant à la marge la définition du délit de solidarité.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois – Un encouragement à la fraude et aux trafics !
Mme Esther Benbassa. – Décidément, rien ne doit brider l’oeuvre de maltraitance de ce gouvernement ! L’exécutif fait miroiter à l’intention de la droite un durcissement censé favoriser les expulsions mais la loi de finances ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour les reconduites à la frontière. Simple affichage !
Je me suis rendue à Calais, à Menton, à Ouistreham, dans les camps parisiens, à la rencontre de ceux qui ne sont plus que des « migrants », ceux que l’on retrouve sans vie sur les rivages ou dans les cols des Alpes. Pourtant, ce sont nos semblables.
Je citerai pour finir Danièle Lochak, professeure émérite de droit public, qui relève des analogies troublantes avec l’attitude des États à l’égard des Juifs dans les années 1930… (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. – C’est une insulte !
Mme Esther Benbassa. – Souvenons-nous du Saint-Louis, du Struma et d’autres. L’histoire se répète, pour le pire.