Les articles relatifs à la vie scolaire et universitaire de la loi « séparatismes », votés dans la soirée du 6 avril, au Sénat, ont fait l’objet de vifs débats. Les sénateurs ont maintenu leur refus de créer un régime d’autorisation pour l’instruction à domicile.
Les articles du projet de loi confortant le respect des principes de la République consacrés à l’école et à l’université ont fait longuement débat, au Sénat, mardi 6 avril. Au cœur des discussions, la suppression, déjà votée en commission, de l’article 21, l’une des pièces maîtresses du dispositif, qui instaurait un régime « d’autorisation » pour l’instruction en famille (IEF), par opposition à la simple « déclaration » en vigueur aujourd’hui.
La majorité sénatoriale de droite a tenu sa position, refusant de créer le régime d’autorisation, contre l’avis du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui défendait le texte pour le gouvernement.Lire aussi La droite sénatoriale s’oppose au gouvernement sur l’instruction en famille
La séance a été largement consacrée à des discussions sur le fragile équilibre entre la liberté d’enseignement et la nécessité de garantir le droit de chaque enfant à une instruction de qualité. Les sénateurs ont discuté, mardi soir, de nombreuses dispositions visant à préciser le contrôle de l’instruction en famille. Avec, par exemple, la proposition – finalement non adoptée – de faire passer aux enfants instruits à la maison les évaluations nationales de CP, CE1 et 6e. « Vous ne leur faites pas confiance, à ces familles », s’est étonné Jacques-Bernard Magner (Parti socialiste), pointant une liberté d’instruire « suivie et encadrée par des dispositions compliquées à mettre en œuvre ».
« Border juridiquement »
Les sénateurs ont également tenu à préciser les contours de l’article 22 sur les établissements hors contrat, sans masquer leur volonté de durcir le texte. Une disposition a été adoptée, qui prévoit l’impossibilité de faire diriger une école par un « prête-nom ». La sénatrice d’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel (UDI) – qui avait donné son nom à un premier texte encadrant les écoles hors contrat en 2018 – a mis en garde les sénateurs contre l’agilité grandissante des structures dans la contestation juridique des fermetures administratives. « Les inspecteurs de l’éducation nationale ne sont pas armés juridiquement pour faire face à ces contestations », a-t-elle alerté. Un amendement soutenu par Mme Gatel a été adopté, qui crée l’obligation de motiver les fermetures pour « border juridiquement » les décisions administratives. « Plus vous exigez des motivations, plus vous créez des possibilités de chicaneries judiciaires », a objecté Jean-Michel Blanquer.
Le débat a retrouvé une grande vigueur, en fin de soirée, lorsque les sénateurs ont discuté les dispositions relatives à la pratique des cultes à l’université. L’article 24 quinquies, ajouté en commission et modifié en séance par la majorité, a été adopté contre l’avis du gouvernement et après un tumultueux débat avec les sénateurs de gauche. Il prévoit désormais qu’« à l’exception des locaux mis à disposition des aumôneries l’exercice du culte est interdit dans les enceintes et locaux affectés à titre principal à un établissement public », une disposition qui donnerait « plus de force » aux présidents d’université pour rédiger leurs règlements intérieurs, a défendu le rapporteur du texte, Stéphane Piednoir (Les Républicains).
« En dix-sept ans d’enseignement, je n’ai jamais vu un étudiant prier dans les couloirs de l’Ecole pratique des hautes études, s’est étonnée la sénatrice de Paris Esther Benbassa (Europe Ecologie-Les Verts). Je crois qu’on se fait beaucoup d’idées. » Il y a « 40 atteintes à la laïcité dans les universités par an », a défendu Stéphane Piednoir. « Nous légiférons sur la base de 40 cas », a ensuite pesté le sénateur (Union centriste) de Haute-Savoie Loïc Hervé.
L’article 24 septies, également ajouté en commission sénatoriale, interdit aux usagers de perturber des enseignements, conférences et débats « par des actions de prosélytisme ou de propagande ». Cet article, adopté en séance, ainsi qu’un amendement également adopté – avec appui du gouvernement – sur l’interdiction des « listes communautaristes » aux élections étudiantes ont vivement opposé les sénateurs, mardi soir, en écho aux récentes polémiques sur « l’islamogauchisme » à l’université. Un amendement sur le port de signes religieux par les usagers des universités n’a, en revanche, pas trouvé le soutien de la majorité et a été rejeté par le Sénat.