Jamais les expressions « être à l’ombre » ou « être au frais » n’auront aussi mal porté leur nom. Ce mardi après-midi, en plein pic de canicule, les détenus de la maison d’arrêt de Nanterre en promenade sont amassés autour d’un point d’eau pour se rafraichir, tant bien que mal.
A Nanterre, comme dans de nombreuses autres maisons d’arrêt, les détenus sont enfermés 22h sur 24 dans leur cellule, sans volet et équipées d’un simple lavabo. Les douches, collectives, ne sont accessibles que trois fois par semaine alors que le mercure affiche 40 degrés en région parisienne.
« L’été c’est difficilement supportable », explique un détenu, interrogé par la sénatrice de Paris Esther Benbassa, qui avait invité l’AFP à une visite de l’établissement pénitentiaire.
« Le pire, c’est entre 14h et 16h. Ceux qui n’ont pas de ventilateurs ils sont morts », poursuit ce jeune homme de 27 ans, incarcéré à Nanterre depuis huit mois.
« Il faudrait plus de douches, en plus y a de la moisissure dans celles qu’on a. En cellule, on met des serviettes mouillées au frigo et après on les accroche à la fenêtre pour faire baisser la température », poursuit-il.
De nombreuses fenêtres sont recouvertes de draps, t-shirts ou serviettes blancs.
Leur occultation est certes normalement interdite par le règlement intérieur, mais l’administration fait preuve de flexibilité en ces périodes de chaleur exceptionnelle.
Un peu plus loin, un autre détenu montre sa cellule à la sénatrice: malgré son ventilateur et le drap accroché aux barreaux, il estime qu’il y fait 37 ou 38 degrés.
Et encore, il a la chance d’être enfermé seul, mais rares sont ceux à avoir ce privilège.
Au 1er juin, le taux d’occupation de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine était de 144% (858 détenus pour 597 places théoriques), selon le ministère de la Justice.
Cela oblige parfois quatre prisonniers à partager un espace d’une quinzaine de mètres carrés, dans des conditions parfois très difficiles.
Le mois dernier, après avoir visité l’établissement, l’Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine avait dénoncé dans un rapport l’état « globalement insalubre » des conditions de détention et les « cellules surchargées ».
Pendant la visite de l’élue, une représentante de la direction de l’établissement a assuré qu’il n’y avait plus de matelas par terre, comme cela est souvent le cas en prison.
-« Un minimum de côté humain… »-
« J’ai peur pour les gens à Nanterre », déclare pour sa part Sam (prénom modifié) à l’AFP.
Joint par téléphone depuis un établissement d’Île-de-France, ce détenu garde de mauvais souvenirs de ses années dans cette maison d’arrêt.
« C’était une fournaise, les grilles aux fenêtres chauffaient encore plus la cellule. On transpirait tellement que les matelas étaient mouillés », se rappelle-t-il.
Désormais incarcéré dans un centre de détention, où les conditions sont plus souples, Sam explique avoir un accès quotidien à la douche et disposer de volets à sa fenêtre.
« En cellule on met de l’eau par terre, on marche pieds nus, ça nous rafraîchit un peu », détaille Stéphane (prénom d’emprunt) un autre prisonnier francilien joint par l’AFP.
« On est vraiment dans une grande souffrance. Alors certes, on a commis des délits, pour certains des crimes, on paye notre dette à la société, mais il faut un minimum de côté humain quand même », souffle-t-il.
Contactée, la direction de l’administration pénitentiaire répond avoir mis en place un « plan canicule » permettant « une prise en charge renforcée des publics spécifiques ».
A Fresnes, autre prison d’Île-de-France connue pour sa vétusté, « de l’eau et des ventilateurs sont distribués aux détenus indigents, âgés ou malade », indique ainsi Jean-Christophe Petit, représentant local du syndicat Ufap-Unsa Justice.
Conformément aux demandes de l’administration pénitentiaire, « les cours de promenade et les murs extérieurs sont arrosés à la lance à incendie pour faire baisser la température », ajoute-t-il. Mais selon lui, au dernier étage de la prison, sous la verrière, la température peut monter jusqu’à 45 degrés sur la coursive reliant les cellules.
Pour François Korber, délégué général de l’association Robin des Lois, défendant les droits des détenus, « il n’y a pas de réelle solution pour améliorer la situation pendant la canicule, à part multiplier les douches en maison d’arrêt et réduire la population carcérale ».
En France, la surpopulation carcérale atteint des niveaux records: au 1er juin 71.678 personnes étaient incarcérées pour 60.703 places opérationnelles.