16 octobre 2020 | France 2
Depuis juillet, le port du masque est imposé dans tous les lieux publics clos. Mais en prison, malgré la promiscuité et le regain de l’épidémie, le port du masque n’est toujours pas généralisé. L’Oeil du 20h s’est rendu au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, où 54 cas de Covid-19 ont été détectés le mois dernier.
3 cas de coronavirus à la maison d’arrêt de Limoges, 4 à Bayonne, 5 à Toulouse et 41 à Fresnes, ces derniers jours les foyers de contamination se multiplient dans les prisons. 88 détenus et 188 agents pénitentiaires sont actuellement positifs au Covid-19.
Derrière les murs, l’inquiétude monte. « On n’a pas de masques, s’alarme un détenu. On en a un qu’on garde 5 minutes le temps de passer devant le médecin et en sortant de l’infirmerie on est obligés de le jeter. » Dans une prison surpeuplée où les détenus sont souvent trois dans des cellules pourtant prévues pour deux personnes, un autre souligne l’impossibilité de respecter les gestes barrières.
Aucune réglementation nationale n’impose la mise à disposition de masques pour l’ensemble des détenus. Chaque établissement s’organise comme il le souhaite.
54 cas positifs parmi les agents pénitentiaires
Le centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse est devenu le plus grand foyer de contamination des prisons de l’Hexagone, avec 54 cas dépistés parmi les agents pénitentiaires le mois dernier.
Nous avons demandé à nous y rendre pour observer les mesures prises depuis mais l’Administration Pénitentiaire n’a pas donné suite à nos sollicitations. Nous avons donc accompagné la sénatrice Esther Benbassa (EELV), que la loi autorise à se rendre en prison avec des journalistes sans s’annoncer, pour y entrer tout de même.
Nous avons pu visiter le centre de détention qui accueille 265 condamnés à de longues peines. En « régime ouvert », ils peuvent circuler dans les couloirs quelques heures par jour.
« Tout le monde se promène sans masque ! » s’étonne Esther Benbassa. Mais d’après Isabelle Liban, la cheffe d’établissement, le risque est maîtrisé : « les personnes détenues qui arrivent de l’extérieur respectent le protocole de quatorzaine de manière à éviter que le virus ne rentre.«
Des masques pour les activités et les contacts avec l’extérieur
En prison s’applique la doctrine de l' »anneau sanitaire » : confinés, les détenus ne portent le masque que lorsqu’ils sont en contact avec l’extérieur pour les parloirs et les visites. Les surveillants doivent quant à eux le porter en toutes circonstances.
« A partir du moment où vous avez une activité collective, c’est-à-dire deux ou plus, ajoute Isabelle Liban, le port du masque est systématique. » Pourtant, un peu plus loin, deux détenus jouent au babyfoot le visage nu. Des masques leur sont ensuite distribués mais l’un d’entre eux semble découvrir la règle : « C’est obligatoire ? » « Bien sûr ! » insiste la cheffe d’établissement.
Pas de masques ni de tests pour tout le monde
Si le port du masque n’est pas généralisé, le dépistage des détenus ne l’est pas non plus. Malgré la circulation du virus au sein de la prison et l’importance du nombre de contaminations, seuls les détenus présentant des symptômes ont été testés. Les syndicats d’agents pénitentiaires avaient pourtant demandé que tous les détenus soient dépistés : « On estimait que si on avait 54 personnels qui étaient touchés on a aussi des détenus qui devaient l’avoir peut-être asymptomatiques » explique Jonny Defaria, délégué local UFAP-Unsa Justice du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse.
Une demande partagée par les associations de défense des droits des détenus. « La loi prévoit que les personnes détenues ont droit à une qualité et à une quantité de soins équivalents à ceux offerts à l’ensemble de la population, rappelle François Bès, coordinateur du pôle enquête pour l’Observatoire international des prisons (OIP). Là on est vraiment dans une situation où ce principe même est bafoué.«
L’Administration Pénitentiaire explique se référer aux Agences Régionales de Santé pour l’organisation de tests PCR en détention : « Ce sont les autorités sanitaires qui à la suite d’une analyse épidémiologique mettent en place les campagnes de dépistages. Ils apprécient pour chaque cas d’espèces en fonction des tracing la nécessité d’effectuer des dépistages massifs et/ou ciblés. »
Une nouvelle doctrine a été diffusée mercredi par la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP). Elle prévoit des mesures déclinées selon le niveau de l’épidémie. Si l’établissement est situé en zone d’alerte maximale ou s’il est un cluster, le port du masque sera généralisé pour les détenus dès la sortie de leur cellule.